Après notre Top 5 des séries 2017, il est venu le moment de faire notre classement des BD les plus marquantes de l'année. Comme l'an passé, Pop Up' a demandé à la rédaction numérique de franceinfo quels étaient les albums qui avaient le plus compté ces douze derniers mois. Voici les cinq titres qui ont recueilli le plus de suffrages.
5"Levius / Est" de Haruhisa Nakata
Ça parle de quoi ? Blessé durant la guerre qui a ravagé l’Europe au début du XIXe siècle de la nouvelle ère, le jeune Levius Cromwell est désormais doté d’un bras mécanique sophistiqué. Celui-ci lui permet de disputer des combats de boxe mécanique, le sport le plus populaire de l’époque. Galvanisé par des rêves prémonitoires dans lesquels il voit sa mère (aujourd’hui plongée dans le coma), l’encourager, Levius n’hésite pas à mettre sa vie en péril afin de devenir le meilleur.
Pourquoi on adore ? Levius, et sa suite Levius / Est dont le troisième tome vient de paraître aux éditions Kana, est probablement le manga le plus sous-estimé de ces dernières années. Pourtant, jamais une BD n’aura été autant capable de transmettre au lecteur la souffrance physique et la douleur endurées par ces combattants de l’extrême, customisés pour devenir des machines à tuer.
Récit ultra émouvant dans une ambiance steampunk, la saga Levius est surtout une œuvre au graphisme époustouflant. Un trait fougueux, du zooming, des points de trame volontairement visibles et une profondeur de champ traitée avec des flous rarement vus en bande dessinée, bref, le mangaka utilise toutes les techniques photographiques pour donner encore plus de mouvement à ses planches. Et c’est juste sublime.
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Levius / Est de Haruhisa Nakata, trois tomes disponibles aux éd. Kana, environ 200 p. et 12 euros le tome.
4"Justice et Légumes frais - Imbattable, tome 1" de Pascal Jousselin
Ça parle de quoi ? Tout simplement du "seul véritable super-héros de bande dessinée". Car le super-pouvoir du personnage créé par Pascal Jousselin est de pouvoir passer d'une case à l'autre dans la page. Une idée géniale qui permet par exemple à notre héros de lancer des tartes à la crème qui atterrissent sur le visage du maire véreux de la ville deux strips plus bas. Et évidemment, Imbattable doit affronter des ennemis qui disposent égaleemnt de super-pouvoirs jouant avec les codes de la BD, dont le redoutable Plaisantin (sans doute le cousin germain du Joker) qui traverse les pages.
Pourquoi on adore ? Lire Imbattable est une expérience à part entière. On se surprend à essayer de voir à travers les pages pour guetter les apparitions du Plaisantin. On redouble de vigilance pour ne pas louper l'objet qu'Imbattable s'envoie dans le futur, deux strips plus loin, pour redresser une situation compromise.
L'album de Pascal Jousselin s'inscrit dans le mouvement Oubapo (ouvroir potentiel de bande dessinée) qui joue avec les codes du neuvième art, petit frère de l'Oulipo qui sévit lui en littérature. Le roman La Disparition de Georges Pérec sans le moindre "e", c'est ça. La BD Cercle vicieux d'Etienne Lécroart, qui peut se lire aussi bien en commençant par le début que par la fin, en formant deux histoires différentes, c'est aussi ça. Cerise sur le gâteau, c'est un album véritablement tout public, que vous pouvez offrir officiellement au fiston pour mieux vous bidonner en cachette à la nuit tombée.
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Imbattable - Tome 1 : Justice et légumes frais, de Pascal Jousselin, éd. Dupuis, 48 p., environ 11 euros.
3"Gérard, cinq années dans les pattes de Depardieu" de Mathieu Sapin
Ça parle de quoi ? C’est une évidence, mais notre Gégé national est désormais plus connu pour ses frasques et ses coups de gueule que pour ses films. Et depuis qu’il a rendu son passeport français et exhibé celui que lui a octroyé son ami russe Vladimir Poutine, son capital sympathie a été quelque peu entaché. Alors qui est vraiment Gérard Depardieu ? Un ogre qui crache dans la soupe ? Un trublion à la recherche du buzz ? Un siphonné de la touffe un peu trop porté sur la bouteille ? Ou tout simplement un acteur de génie ?
Après avoir sympathisé avec lui en 2012 pour les besoins d’un documentaire, le dessinateur Mathieu Sapin a eu envie de réaliser son portrait. Pendant cinq années, au plus près de l’acteur lors de ses différents séjours à l’étranger, il redessine, à coup de conversations intimes et d'anecdotes, les contours de l’homme dans ses moindres détails. Ses grognements, ses coups de gueule, son amour immodéré pour la bouffe et surtout, sa quête permanente de liberté.
Pourquoi on adore ? Dans Gérard, Mathieu Sapin prouve une fois encore tout son talent dans le style qu’il affectionne le plus : la BD documentaire. Après avoir collé aux basques de François Hollande lors de la Campagne présidentielle de 2012 et nous avoir raconté les coulisses de l’Elysée dans Le Château (le tout aux éd. Dargaud), Sapin se lance dans le show-biz en mode road-movie burlesque.
On découvre un Gérard Depardieu ultra simple, pour qui rien n’est jamais un problème. T’as pas de maillot pour aller à la piscine ? "Tu t’en fous, t’y vas en slip." Tu as trop chaud ? Tu te balades en caleçon et si ce n’est pas possible, tu arraches les manches de ta chemise. Conforme à son image, Depardieu se révèle être un personnage impulsif et rustre, parfois grossier, terriblement humain et parfois attachant, raconté avec tout le talent de Mathieu Sapin
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Gérard, cinq années dans les pattes de Depardieu de Mathieu Sapin, éd. Dargaud, 160 p., environ 20 euros.
2"Une sœur" de Bastien Vivès
Ça parle de quoi ? Comme chaque été, Antoine, 13 ans, passe ses deux mois de vacances avec ses parents et son petit frère sur l’Île-aux-Moines. Mais entre les traditionnelles chasses aux crabes à marée basse et les heures passées à dessiner au soleil vient s’immiscer la jolie Hélène. Venue se ressourcer quelques jours avec sa mère après un drame familial, l’adolescente de 16 ans va se lier avec Antoine et l'initier à des plaisirs plus adultes.
Pourquoi on adore ? On l’avoue sans peine, avant même d’avoir ouvert Une sœur, on était complètement excité à l’idée de retrouver Bastien Vivès en solo. Car on a beau adorer Lastman, le "manga à la française" qu’il réalise avec ses compères Balak et Mickaël Sanlaville depuis 2013, on attendait fébrilement qu’il donne un petit frère à Polina, sa dernière BD en solo sortie il y a déjà 8 ans.
C'est par procuration qu'il a choisi de s'en extirper, en faisant vivre à son jeune héros une adolescence en mode express. Véritable concentré d’émotions, Une sœur se révèle être une ode à la mélancolie. L’album le plus touchant de son auteur en dépit (grâce ?) d'une économie drastique de mots et d'un trait incroyablement épuré.
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Une sœur de Bastien Vivès, éd. Casterman, 216 p., environ 20 euros.
1"Ces jours qui disparaissent” de Timothé Le Boucher
Ça parle de quoi ? Encore réticent à devenir un adulte ordonné et responsable, Lubin Maréchal se partage entre un boulot alimentaire et sa bande de potes, avec laquelle il monte un spectacle d’acrobaties. Après une mauvaise chute lors d'une représentation, Lubin découvre à son réveil qu'une journée entière s'est écoulée depuis qu'il s'est endormi. Désormais contraint à ne plus vivre sa vie qu'un jour sur deux, Lubin réalise qu'un autre jeune homme, plus méticuleux et mâture que lui occupe son corps pendant ses absences et que celles-ci ne cesssent de s’allonger. Mais comment conserver une vie sociale, amoureuse et professionnelle lorsqu'on est présent un jour sur deux et qu'un autre s'emploie à défaire ce que vous tentez désespérément de construire ?
Pourquoi on adore ? Avec ce pitch original et fou à la fois, le jeune Timothé Le Boucher, 28 ans construit une réflexion sur l'identité et le difficile passage à l'âge adulte. Côté dessins, on comprend dès les premières cases muettes que le jeune homme est un passionné de mangas et de cinéma. Un trait fin et souple, sorte de mélange entre les œuvres de Jiro Taniguchi (Quartier lointain, L'Homme qui marche) et le Lastman de Bastien Vivès, Balak et Michaël Sanlaville. Le tout baigné par des tonalités douces, parfaites pour adoucir la violence de son propos sur le deuil d'une jeunesse perdue. Remarquable.
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Ces jours qui disparaissent de Timothé Le Boucher, coll. 1 000 feuilles aux éd. Glénat, 192 p., environ 22 euros.