La BD de la semaine : "Dark Night : une histoire vraie" dévoile le véritable pouvoir des super-héros

Expression@Datacenter@05_v6

Non, il n'y a pas de coquille sur la couverture de Dark Night : une histoire vraie (éd. Urban Comics). Même s'il est signé Paul Dini – un des nombreux auteurs qui ont contribué à donner vie aux aventures de Batman – ce comic book n'est pas une énième histoire du Chevalier Noir ("Dark Knight" en VO) mais une magnifique autobiographie. Avec beaucoup de lucidité et sans fausse pudeur, Dini nous raconte comment, à la suite d'un événement dramatique, il a puisé la force de se relever dans les super-héros qui le fascinent depuis qu'il est gosse. Une leçon de vie et une jolie façon d'expliquer le pouvoir d'attraction de l'univers DC Comics (entre autres).

De quoi ça parle ?

Un soir, la vie de Paul Dini bascule. Auteur bien connu des amateurs de comics (il est l'un des scénaristes de la série animée Batman pour laquelle il a, entre autres, contribué à la création du personnage d’Harley Quinn), Dini se fait tabasser par deux individus en rentrant chez lui après un énième rencard foireux. Brisé, au propre comme au figuré, il décide de tirer profit de ce dramatique accident pour remettre en question ses choix de vie.

Véritable catharsis, Dark Night : une histoire vraie est le récit de sa reconstruction. Immergé dans un univers imaginaire peuplé de super-héros, Dini réalise soudainement que sa vie entière repose sur des illusions. Mais où était donc Batman quand il se faisait broyer le visage à coups de pied ?

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Pourquoi on adore ?

Avec beaucoup de sincérité et de pudeur, Paul Dini entreprend de nous raconter son histoire, de l'enfance trop transparente d'un petit garçon mal dans sa peau au quotidien d’un adulte geek, rempli de figurines à collectionner mais pourtant désespérément vide. Des années plus tard, il tombe enfin le masque et nous explique comment il a réussi à se relever après une violente agression et comment les super-héros qui l’accompagnent depuis toujours l’ont finalement aidé dans cette tâche difficile.

Tout comme C’est un oiseau… (également édité chez Urban Comics) était tout sauf un comic de Superman, Dark Night : une histoire vraie n’est pas une énième aventure de Batman, même si son titre joue avec l’homophonie de son surnom, le Chevalier Noir. Dini l'explique d'ailleurs dès la deuxième page : "Autant vous prévenir, cette histoire n'a rien à voir avec celles qui m'ont fait connaître, où se mêlent fantastique, action et humour, même si je suis sûr qu'il y en aura un peu". On a envie de dire qu'elle est encore plus passionnante.

Dark Night : une histoire vraie est le récit de la reconstruction d’un homme qui s’avère être un scénariste de comics connu et a longtemps écrit des histoires avec Batman. Mais qui, avant cela, était un gosse comme il en existe des milliers. Un peu chétif, pas spécialement beau et populaire et qui servait de punching-ball à ses camarades de classe. Puis Paul est devenu un adulte qui a, sans vraiment le décider consciemment, fait passer sa vie professionnelle avant tout, sa vie sociale se limitant à ses collègues et à sa psy. Ce Paul, on en connaît tous un, qui néglige ses amis et ses relations amoureuses. Peut-être êtes-vous Paul, cet individu pas franchement à l’aise en société qui préfère rester dans l’ombre de peur de paraître ridicule et confond gentillesse et naïveté. Cette histoire est malheureusement universelle et c'est pour cela qu'elle nous touche.

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Mais cette autobiographie bouleversante est également un vrai message d’espoir. Dans les moments-clés de son existence, Paul Dini "dialogue" avec les personnages de l'univers de l'homme chauve-souris. Certes, Batman n’était pas à ses côtés le soir de l’attaque mais il le coache par la suite pour l’empêcher de sombrer. Et à défaut d’avoir des amis à son chevet, Dini convoque également Poison Ivy, l’Epouvantail et le Joker qui ne lui épargnent aucune remarque cinglante et se moquent allègrement de son visage tuméfié. Le miroir que lui tendent ses super vilains préférés est certainement plus violent que les coups qu’il a reçus. Et c’est dans tous ces personnages de fiction qu’il va puiser la force de se relever et de faire le tri parmi les personnes toxiques. C'est toute l'ambivalence de son rapport aux super-héros que met ici en évidence le scénariste. Ils l'ont conduit à s'isoler mais ils ont également été un des facteurs de sa guérison et de sa reprise en main.

Côté dessin, c’est l’Argentin Eduardo Risso (100 Bullets) qui est aux crayons. Un exercice qu’il semble avoir apprécié tant son style diffère de celui qu’on lui connaissait jusqu’alors. Dans Dark Night : une histoire vraie, Risso s’est même attelé à coloriser ses dessins et c’est franchement réussi.

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C’est pour vous si…

Vous n’aimez pas Batman. Enfin, si vous ne l'aimez pas trop car sinon, sa place marginale dans cette histoire dont il n'est pas le héros risque de vous décevoir. Et si vous avez aimé C’est un oiseau... (éd. Urban Comics) de Steven T. Seagle (scénario) et Teddy Kristiansen (dessin), un autre passionnant et très éclairant récit autobiographique sur la vie de scénariste de comics.

Dark Night : une histoire vraie de Paul Dini (scénario) et Eduardo Risso (dessin), coll. Vertigo Deluxe aux éd. Urban Comics, 128 p., environ 14 euros.