Vous en avez ras-le-bol des super-héros ? Rassurez-vous, certains auteurs qui leur donnent vie également. Hasard du calendrier des sorties françaises, ces derniers mois, deux albums ont choisi de traiter un thème pour le moins original dans le monde assez formaté des comics. Une plongée dans le quotidien d’un auteur de BD, chargé de donner un nouveau souffle à un super-héros. Spoiler alert : en fait, ils ont choisi de raconter la genèse de ces projets et ça donne des albums uniques et géniaux.
"Airboy", ou comment réhabiliter un super-héros tombé en désuétude
Complètement déprimé, James Robinson, un auteur reconnu de comics (Starman, Les 4 Fantastiques) se voit proposer par l’éditeur américain Image Comics de relancer la carrière d’Airboy, un super-héros chasseur de nazis dans les années 40, tombé depuis en désuétude. Sans trop y croire, il invite le dessinateur Greg Hinkle à venir le rejoindre à San Francisco pour réfléchir ensemble à cet éventuel reboot. Mais leur premier brainstorming à base d’alcool, de cocaïne et de prostitués va prendre un tournant inattendu. Ils croisent la route d’Airboy qui entraîne les deux compères dans ses aventures, en pleine Seconde guerre mondiale.
On ne saura jamais si ces nuits de débauche ont vraiment eu lieu ou si James Robinson n’était pas tant que ça en manque d’inspiration à l’époque. Et cela n’a pas vraiment d’importance. Car, bien plus qu’un énième reboot de super-héros, Airboy est une autobiographie sans complaisance de l’auteur qui dézingue sa profession et sa petite personne. Non, scénariste de comics n’est pas forcément un job de rêve. Oui, on peut inventer des aventures géniales de Starman et foirer sa vie personnelle. Et non, on ne trouve jamais la solution à ses problèmes dans la cocaïne.
Rythmé, irrévérencieux juste comme il faut, Airboy est un vrai bol d’air dans le monde des comics et un joli coup pour les éditions Jungle qui inaugurent avec cet album leur nouvelle collection dédiée aux comics.
Airboy, de James Robinson et Greg Hinkle, éd. Jungle Comics, 160 p., environ 17 euros.
"C’est un oiseau…" ou la difficulté d’écrire sur le plus célèbre des super-héros
De quoi rêve un auteur de comics ? Probablement de se voir confier une histoire sur Superman, “le plus iconique et le plus connu” des super-héros. Mais Steve, scénariste et alter ego de l’auteur, Steven T. Seagle, préfère refuser cette proposition émanant de son éditeur DC Comics. Car Steve déteste Superman. Et cette offre, pourtant alléchante, va l’obliger à analyser pourquoi il hait tant ce personnage adulé par d’autres. D’autant que la vie personnelle de Steve n'est pas simple. Son père vient de s'évaporer dans la nature et lui-même craint d'être atteint par la maladie de Huntington – une maladie génétique qui provoque une dégénérescence neurologique – dont est morte sa grand-mère. Un douloureux secret familial qui plombe un Steve au bord de la dépression.
C'est un oiseau… est tout sauf un comic de Superman. Pourtant, l'ombre du père des super-héros y plane sur toutes les planches, admirablement dessinées par le Danois Teddy Kristiansen. Car pour prouver à la terre entière qu'il ne peut s'emparer de ce super-héros trop caricatural à ses yeux, Steve va devoir le décrypter. Et nous pondre une intéressante réflexion sur le mythe du héros et son influence moderne, tout en se confrontant au tabou médical qui plombe sa famille et l'empêche d'avancer. Une autobiographie pertinente, toute en délicatesse.
C’est un oiseau… de Steven T. Seagle et Teddy Kristiansen, réédité dans la collection Urban Graphic chez Urban Comics, 136 p., environ 15 euros.