Après les séries et les jeux vidéo de 2016, voici notre classement des BD les plus marquantes de l'année. Elles sont tout de même 5 305 à avoir débarqué sur les étals de vos librairies, et même nous, avec la meilleure volonté, n'avons pas réussi à toutes les lire. Alors, comme l'an passé, Pop Up' a demandé à tous les journalistes de la rédaction de franceinfo quels étaient les albums qui avaient le plus compté ces douze derniers mois. Voici les cinq titres qui ont recueilli le plus de suffrages.
5"Kobane Calling" de Zerocalcare
Ça parle de quoi ? De ce qu'il se passe aux confins de la Turquie, de la Syrie et de l'Irak, une zone à la géopolitique complexe que le dessinateur italien Zerocalcare tente de nous raconter simplement, sous la forme d'un roman graphique. Dans Kobane Calling, cet ancien militant d'extrême-gauche devenu star de la BD alternative dans son pays grâce à ses albums autobiographiques, décrit avec humour le récit de ses voyages dans le Rojava (le Kurdistan syrien), des périples aux prétextes humanitaires devenus des clés pour essayer de comprendre les enjeux de cette région.
Pourquoi on adore ? Parce que la lecture de Kobane Calling est beaucoup plus fun que celle du Monde diplomatique lorsqu'il s'agit de comprendre les enjeux autour de cette poudrière. Car le ton particulier de Michele Rech, alias Zerocalcare, mêlant autodérision et compassion, sied à merveille pour expliquer les faits quotidiens dans cette zone du monde assiégée par l’Etat islamique, où des hommes et des femmes tentent de fonder une société démocratique basée sur des principes d’égalité sexuelle, ethnique et religieuse. Assurément l'un des albums qui devraient repartir primés du Festival international de la BD d'Angoulême lors de la révélation du palmarès, le 29 janvier prochain.
Découvrez les premières planches de Kobane Calling avec Sequencity.
Kobane Calling de Zerocalcare, éd. Cambourakis, 288 p., environ 24 euros.
4"L'Arabe du futur 3" de Riad Sattouf
Ça parle de quoi ? Comme dans les tomes précédents, du jeune Riad, ce petit garçon franco-syrien reconnaissable à ses cheveux "blond-châtain frisant légèrement" qui sentent "toujours bon le shampoing à la camomille" nous raconte son enfance passée dans des pays arabes. Après avoir narré ses débuts à l'école syrienne, on le retrouve dans ce troisième opus à l'âge de raison, quand il commence à réaliser la complexité du monde dans lequel il évolue. Et surtout, ô drame, que son père n'est peut-être pas le héros qu'il admirait sans retenue jusqu'alors.
Pourquoi on adore ? Avec plus d'un million d'exemplaires écoulés de ses deux premiers tomes, Riad Sattouf est le nouveau poids lourd sur lequel la BD française peut compter. Une couronne méritée, qu'il devrait continuer à porter dans les années à venir. Deux autres tomes de L'Arabe du futur doivent encore paraître pour clore cette autobiographie drôle et touchante sur laquelle on se jette chaque automne depuis deux ans. Et pour la troisième année consécutive, ce tome est dans la sélection officielle du FIBD 2017 (le premier avait remporté le prix du meilleur album en 2015).
L'Arabe du futur 3 (1985-1987) de Riad Sattouf, éd. Allary, 160 p., environ 20 euros.
3"Homicide" de Philippe Squarzoni
Ça parle de quoi ? Du quotidien fastidieux des inspecteurs de la brigade criminelle de Baltimore (Maryland, Etats-Unis) à la fin des années 1980. Racontée de l’intérieur par David Simon, alors journaliste dans un journal local (avant de devenir le génial scénariste que les sérievores connaissent bien), cette expérience immersive s’est d'abord transformée en un imposant ouvrage qui a ensuite servi de matrice à The Wire (Sur écoute en VF), considérée comme l'une des meilleures séries télévisées de tous les temps.
Pourquoi on adore ? Parce qu'en adaptant en BD ce récit publié en 1991, Philippe Squarzoni prouve qu'il n'a jamais été autant d'actualité - le taux d’homicides à Baltimore est aujourd'hui aussi alarmant qu’il l’était à l’époque où Simon était immergé dans le quotidien des hommes de la brigade criminelle. Et s'il est un portrait froid et désabusé des policiers américains, Homicide est surtout un hommage au travail des enquêteurs du monde entier, très loin du glamour véhiculé par les polars hollywoodiens. Mention spéciale aux cadrages très cinématographiques et aux dessins photo-réalistes de Squarzoni, qui accentuent la dimension documentaire et sobre de son propos. Notez que ce premier tome est également sélectionné à Angoulême cette année.
Découvrez les premières planches de Homicide avec Sequencity.
Homicide - Une année dans les rues de Baltimore, Tome 1 : 18 janvier – 4 février 1988, Philippe Squarzoni d’après le livre de David Simon, coll. Encrages aux éd. Delcourt, 128 p., 16,50 euros. Le tome 2 paraîtra le 4 février prochain.
2"S'enfuir, récit d'un otage" de Guy Delisle
Ça parle de quoi ? En mission depuis quelques mois dans le Caucase pour une ONG, Christophe André est enlevé dans la nuit du 1er au 2 juillet 1997. Faisant preuve d'optimisme pendant ses premières heures de captivité, il sombre, au fur et à mesure des jours qui se succèdent, dans l'incompréhension. Il est attaché au radiateur d'une pièce vide par des ravisseurs avec lesquels il ne peut communiquer. Ses longues journées se transforment alors en semaines, sans que rien ou presque ne se passe. Et c’est ce "presque" que raconte Guy Delisle (Prix du meilleur album à Angoulême en 2012 pour ses Chroniques de Jérusalem) pendant plus de 400 pages.
Pourquoi on adore ? Parce que ce travail entamé par les deux hommes il y a quinze ans a abouti à un huis clos oppressant où ne subsistent que des détails à base de bouillons de légumes et de bruits de clés. Ça aurait pu être d'un ennui prodigieux et c'est tout simplement passionnant. Car S'enfuir, récit d'un otage est conçu comme un thriller où l’on tremble pour le héros à chaque page. Un exercice de style remarquable.
Découvrez les premières planches de S'enfuir, récit d'un otage avec Sequencity.
S’enfuir - Récit d’un otage de Guy Delisle, éd. Dargaud, 432 p., environ 27 euros.
1"Les Cahiers d'Esther - Histoires de mes 10 ans" de Riad Sattouf
Ça parle de quoi ? D'une petite fille prénommée Esther, fille d'un couple d'amis de Riad Sattouf, à qui il a décidé de donner la parole afin de raconter son quotidien en bande dessinée. Un récit qu'il publie en parallèle de son travail autobiographique dans L'Arabe du futur.
Pourquoi on adore ? Parce que Riad Sattouf excelle dans l'art de capter l'air du temps. Un talent prouvé dans La Vie secrète des jeunes et qui a semble-t-il rencontré la petite fille adéquate. Esther rêve d'être blonde et souple et surtout d'"avoir un iPhone (même 4)". Elle est drôle, enthousiaste et on se délecte de son quotidien si banal et si passionnant à la fois. L'histoire de ses 11 ans paraîtra le 16 février prochain et son auteur a déjà annoncé qu'il suivra la petite fille jusqu'à sa majorité.
Les Cahiers d'Esther - Histoires de mes 10 ans de Riad Sattouf, éd. Allary, 54 p., environ 16 euros.