Près de trente ans après sa parution, Baltimore (Homicide en VO), l’enquête fleuve du journaliste américain David Simon relatant son année passée dans la brigade criminelle de sa ville natale, renaît en bande dessinée. Un nouveau support pour un récit d’une actualité toujours brûlante dans cette ville régulièrement classée parmi les dix plus dangereuses des Etats-Unis. L'occasion parfaite de le découvrir pour ceux qui auraient été rebutés par les 900 pages du livre, aujourd’hui magistralement transformé en une série de BD grâce au talent de Philippe Squarzoni. Un auteur et dessinateur connu pour ses ouvrages engagés, tant politiquement (Dol) ou qu’écologiquement (Saison brune).
De quoi ça parle ?
Du quotidien de la quinzaine d’inspecteurs de la brigade criminelle de Baltimore (Maryland, Etats-Unis) à la fin des années 1980. Racontée de l’intérieur par David Simon, alors journaliste dans un journal local (avant de devenir un scénariste reconnu), cette expérience immersive s’est transformée en un imposant ouvrage paru aux Etats-Unis en 1992 et disponible en France depuis 2012. C’est cette enquête qui servira de matrice à sa série The Wire (Sur écoute en VF), considérée comme l'une des meilleures séries télévisées de tous les temps.
Un quotidien en marge, car Baltimore est une ville à part. Avec 344 homicides enregistrés en 2015, ce port du nord-ouest des Etats-Unis possède l’un des plus forts taux de criminalité du pays. Une statistique effrayante qui n’est pas sans conséquence sur l’activité de cette brigade, oscillant constamment entre cynisme et désespoir.
Ce premier tome (d'une série de cinq) s’attache aux premières semaines de l’hiver 1988 et débute inévitablement par un glaçant "code 17", le code de la police désignant un appareil "hors-service", comprenez, un cadavre. La routine pour le sergent Jay Landsman et l’inspecteur Tom Pellegrini, appelés à enquêter sur les lieux du crime. En voix off, l’inspecteur nous le rappelle : "A Baltimore, il y a une règle. Toute affaire qui ressemble à une tempête de merde, qui a le goût ou l’odeur d’une tempête de merde va directement aux Homicides". Et le vent tourne rarement sur cette ville maudite.
Pourquoi on adore ?
Parce qu’en choisissant d’adapter le livre documentaire de David Simon, Philippe Squarzoni modernise un récit toujours aussi actuel. Aujourd’hui, le taux d’homicide à Baltimore est redevenu aussi alarmant qu’il l’était à l’époque où Simon était embeddé à la brigade criminelle. Le 12 avril 2015, le meurtre du jeune afro-américain Freddie Gray par des policiers du Baltimore Police Department avait d'ailleurs déclenché des émeutes dans la ville, relançant les tensions inter-raciales dans le pays.
Dans ce premier tome dont il a assuré lui-même la traduction, Squarzoni livre un portrait froid et désabusé de ces inspecteurs de police fatigués d’être constamment aux premières loges de tant de violence. Il peint un tableau très loin du glamour des polars hollywoodiens où l'on enchaîne les courses-poursuites et où l'on résout les meurtres en quelques jours à peine. Ici, enquêter est un travail long et fastidieux, indissociable d’une montagne de paperasse, cœur de l’activité de la brigade.
La dimension documentaire et sobre du récit est accentuée par les cadrages très cinématographiques et les dessins photo-réalistes de Squarzoni, de sublimes noir et blanc rehaussés par une mise en couleurs délavée allant du bleu gris à l’ocre en passant par le kaki.
C’est pour vous si…
Vous n’aimez pas le sensationnel. D’ailleurs, vous n’avez jamais compris les gens qui critiquaient The Wire parce que "c'est trop lent". Vous êtes un fan du style David Simon et placez les méconnues mini-séries The Corner et Generation Kill dans votre panthéon personnel. Vous avez adoré The Grocery d’Aurélien Ducoudray et Guillaume Singelin (éd. Ankama), une autre géniale BD (en cinq tomes) sur les gangs dans les quartiers de Baltimore.
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Homicide - Une année dans les rues de Baltimore, Tome 1 : 18 janvier – 4 février 1988, Philippe Squarzoni d’après le livre de David Simon, coll. Encrages aux éd. Delcourt, 128 p., 16,50 euros.