On parle beaucoup de la Crimée en ce moment, depuis les événements de la place Maïdan, jusqu'au dernier référendum. Mais cette région, la France l'a connaît bien puisqu'elle a déclaré la guerre à la Russie il y a exactement 160 ans, jour pour jour, le 27 mars 1854.
Mais un événement au cours de cette guerre de Crimée aura des conséquences inattendues sur la météorologie...
Contexte historique
Nous sommes alors en France en plein Second Empire, sous Napoléon III.
Cette guerre de Crimée, qu'aucun des protagonistes n'a probablement souhaité, trouve son origine dans une querelle qui oppose Napoléon III et le Tsar Nicolas Ier. En effet, chacun tire la couverture à soi et veut s'assurer de l'exclusivité de la protection des Lieux Saints de Jérusalem, qui fait alors partie de l'empire turc. C'est la fameuse "question d'Orient", qui met aux prise l'Angleterre, la France et la Russie, pour traiter du sort de la Turquie.
Mais cette question n'est pas évidente à régler car apparaît en filigrane le sort de l'empire ottoman. C'est là où tout se gâte. Les chancelleries ne se mettent pas d'accord. L'Angleterre et la France déclarent ensemble la guerre à la Russie le 27 mars 1854.
Voici d'ailleurs ce qu'écrit Napoléon III au général français, Armand Jacques Leroy de Saint-Arnaud:
"Si vous vous décidez à prendre la Crimée, l'initiative n'en sera pas venue de l'Angleterre mais de moi-même, qui vois dans la conquête de cette île le seul moyen de porter un coup sensible à la Russie et d'avoir un gage entre nos mains"
Deux ans plus tard, en Janvier 1856, la guerre est finie
La tempête du 14 novembre 1854
Au cours de cette période, les troupes françaises et anglaises subissent des conditions météorologiques parfois éprouvantes (notamment du fait de l'hiver russe), sans compter le choléra et le typhus. Mais une tempête en particulier a marqué les esprits.
Le 14 novembre 1854, une dépression virulente (certains parlent même d'"ouragan") frappe la Crimée et cause d'importants dégâts à la flotte franco-anglo-turque. Le navire français "Henri IV" fait naufrage. En tout, 38 navires ont sombré !
Urbain Le Verrier (1811-1870), qui devient en 1854 le nouveau directeur de l'observatoire de Paris, souhaite comprendre exactement ce qui s'est passé ce jour-là. Il explique d'ailleurs sa démarche devant les membres de l'Académie des Sciences et suggère que l'on aurait pu anticipé le déplacement de la dépression:
« On n'a pas oublié l'ouragan qui, le 14 novembre 1854, causa de si nombreux sinistres dans la mer Noire et amena la perte du vaisseau le Henri IV. Le même jour, ou à un jour d'intervalle suivant les localités, des coups de vents éclatèrent dans l'ouest de l'Europe, sur l'Autriche et sur l'Algérie. Le phénomène semblait donc s'être étendu sur une immense surface. Cette circonstance remarquable attira l'attention de notre illustre confrère, M. le maréchal Vaillant, qui voulut bien m'écrire en m'invitant à entreprendre l'étude des conditions dans lesquelles s'était produit le phénomène et en nous assurant de son concours. Pour nous mettre en mesure de répondre aux intentions de M. le Maréchal, j'adressai une circulaire aux astronomes et aux météorologistes de tous les pays, en les priant de me transmettre les renseignements qu'ils auraient pu recueillir sur l'état de l'atmosphère pendant les journées des 12, 13, 14, 15 et 16 novembre 1854. En réponse à cette circulaire, l'Observatoire reçut plus de 250 envois de documents. Le 16 février 1855, j'eus l'honneur de soumettre à S. M. l'Empereur le projet d'un vaste réseau de météorologie destiné à avertir les marins de l'arrivée des tempêtes. Ce projet, très complet, reçut la haute approbation de Sa Majesté et dès le lendemain, le 17 février, nous fûmes, M. de Vougy, directeur général des lignes télégraphiques et moi, autorisés à entreprendre et à poursuivre l'organisation projetée ."Proposez avec assurance", est-il dit dans la lettre émanée du Cabinet de l'Empereur, lettre que nous pouvons citer, parce que c'est un document authentique et honorable pour tous dans l'histoire de la météorologie télégraphique, "proposez avec assurance ce que vous jugerez convenable. La question est trop importante pour que Sa Majesté ne désire pas voir vos efforts couronnés d'un plein succès ».
Et il conclut ainsi:
«En apprenant à Vienne que la tempête avait sévi à telle heure sur les côtes de France, à telle heure à Paris, à telle heure à Munich, et toujours en augmentant d'intensité, ne pouvait-on prévoir qu'elle allait atteindre la mer Noire ?»
Cité par FIERO (Alfred), Histoire de la météorologie, Denoël, 1991, pp. 110-111.
10 ans plus tard, l'observatoire de Paris commence à publier quotidiennement des cartes météorologiques dans le Bulletin de l'Observatoire.
Puis l'observatoire se met à travailler étroitement avec l'administration des télégraphes afin de recueillir les observations météo. À partir des années 1860, le réseau des observations devient européen. Trois ans plus tard, on compte 65 stations dont 21 en France et 46 en Europe. Puis, Urbain Le Verrier étend les observations aux mers et aux océans. Ce sont donc les capitaines de navires qui s'occupent de communiquer les observations météo une fois de retour à quai.
En 1870, Victor Duruy, alors ministre de l'Instruction publique, proposa de créer un observatoire météo à Paris. Les regards se tournent vers le Parc Montsouris, et plus particulièrement le Palais du Bardo.
Enfin, en 1878 est crée le Bureau Central Météorologique que l'on connaît aujourd'hui sous le nom de... Météo-France.