Single mom, zi end

Dix-huit mois que j'attends ce jour-là. Ma délivrance tombe aujourd'hui. Car aujourd'hui marque la fin de ma période single mom.

Je m'explique: single mom, c'est l'expression que j'utilise pour désigner les semaines où je me retrouve seule avec mes nains. Il y a deux ans, leur père a réussi un concours, et moi, j'ai gagné le droit de le voir partir à Strasbourg. A ceux à qui ça a échappé: on habite à Paris. Six mois à Strasbourg, donc, sur les dix-huit que dure la formation. Un vrai marché gagnant-gagnant. Toi tu gardes les mômes, tu fais tourner la maison et tu t'arranges pour qu'ils ne se noient pas dans leur bain, et lui, il se bourre la gueule avec ses potes de promo, apprend à danser la salsa, suit une formation sur l'opéra et, accessoirement, la journée, se pointe en cours, pour valider son cursus. Le partage des taches quoi.

Le pire, c'est que je ne pouvais même pas râler. Pendant des années, j'ai bossé en horaires décalés et c'est lui qui se tapait les monstres - très jeunes monstres - tout seul le matin ou au coucher. Sauf que commencer le taf à 7 heures ou finir à 23, ce n'est pas exactement comme se prendre une cuite, même si ça met une sacrée gueule de bois.

Diane Keaton dans Baby Boom © MGM

Pire encore, comme le père de mes enfants est presque parfait, il m'appelait les premiers jours, des sanglots dans la voix. Alors que je rêvais d'un apéro et qu'il était en terrasse, il m'annonçait qu'il se sentait "comme un poisson hors de l'eau". J'avais juste envie de lui arracher les branchies. Heureusement, sa culpabilité se dilue très bien dans les pintes de bière: quelques semaines plus tard, il allait très bien.

Evidemment, j'ai eu de la chance. D'abord, j'ai une famille en or. Parents et beaux-parents sont venus régulièrement m'aider (commentaire désobligeant sur ma vie de rêve, s'abstenir). Ensuite, je n'ai pas divorcé. Et vu l'humeur de dogue avec laquelle j'accueillais mon homme le vendredi, c'est une chose qui aurait pu arriver. Il me fallait deux jours pour m'en remettre, c'est con, il était déjà reparti. Mais quand il est revenu de 5 jours de baptême de promo en Scandinavie alors que je m'étais tapé 12 heures d'avion avec les boulets pour aller en vacances chez ses parents, je me sentais moyennement réceptive à sa description du Grand Nord. Le vent glacial, c'était moi. RIEN A FOUTRE DES AURORES BOREALES, BORDEL.

Dix-huit mois plus tard, je me vois donc comme une héroïne. Du genre sur qui on aurait dû faire un film, entre Baby Boom et Kramer contre Kramer, première partie (<3 les années 1980). Je repense à la pépette, un an et demi, effondrée devant la porte d'entrée en hurlant "papa", aux pipis au lit de 2 heures du matin de mon grand, au jour où le lave-vaisselle est tombé en rade, en séchant toute la saleté sur les plats (la panne électronique et la gastro des enfants, c'est toujours quand on est seule), à toutes ces occupations épanouissantes entre 20h30 et le moment où je me couche, pour ne pas être à la bourre le lendemain. Et là, je vois bien une fin à la Rocky, quand il monte les marches du musée de Philadelphie et qu'il lève le poing.

PS1 : Un petit coucou à la blogueuse de "Mais comment je suis devenue mère bordel", qui raconte les tangages du couple après bébé dans son dernier billet.

PS2 : bon, avouons-le, quand je suis allée à Philadelphie, j'ai réellement monté les marches du musée en petites foulées et brandi mon poing, c'était trop tentant. Là, où ça craint, c'est que j'avais à peine fini qu'un autre touriste a débarqué en faisant la même chose. Autant dire que les mecs du musée doivent passer leur journée à voir défiler des blaireaux qui imitent Rocky Balboa.