Christiane Taubira trace les contours du projet de loi sur l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. Oui au mariage des couples homosexuels, oui à l’adoption. Mais non au la procréation médicalement assistée (PMA) et à la gestation pour autrui. La ministre de la Justice semble avoir tranché. Christiane Taubira a-t-elle fait bon coup ou s’agit-il d’un couac ?
Elle détourne l’attention de la morosité ambiante
C’est la thèse de l’opposition. Selon Camille Bedin, secrétaire nationale de l'UMP, les annonces de la ministre de la Justice sont destinées à allumer "un contre-feu" pour "détourner du débat économique et social". Une critique à relativiser puisque le calendrier est connu depuis le début du mois de juillet. Les déclarations de Christiane Taubira sont dans le timing. Les discussions doivent se mener en septembre pour une présentation en Conseil des ministres fin octobre, début novembre et un vote au Parlement début 2013. Toutefois, selon les informations d’Europe 1, Matignon "a demandé à la garde des Sceaux de lancer une offensive médiatique" pour faire oublier les annonces moroses (chômage en hausse, augmentation des impôts...). Et la radio rappelle que cette loi symbolique a l’avantage de ne rien coûter au gouvernement, un sacré plus en temps de rigueur...
Elle tend la main aux catholiques
Le choix du journal dans lequel la ministre s’exprime ne doit rien au hasard : La Croix, quotidien catholique. Et l’objectif de cette démonstration paraît clair : convaincre un public réticent. Selon une enquête Ifop réalisée en août, les catholiques pratiquants constituent l'une des catégories les plus réfractaires au sujet. Seuls 45 % d'entre eux sont favorables au mariage des homosexuels (une proportion inférieure de 20 points à la moyenne nationale) et 36% pour ce qui est de l'adoption (17 points de moins que dans l'ensemble de la population). En détaillant le futur texte dans La Croix, Christiane Taubira montre donc qu’elle ne néglige pas les opposants au projet et qu’elle les invite au débat.
Elle vexe les associations LGBT
Les principales auditions de l’Inter-LGBT (lesbienne, gay, bi et trans) et des associations homoparentales doivent avoir lieu en fin de semaine. En découvrant les détails du projet de loi dans les médias, les assos sont tombées de leur chaise. "On souhaite que la Chancellerie rectifie rapidement le tir", m’explique Nicolas Gougain, porte-parorle de l’Inter-LGBT. "Découvrir par voie de presse qu’une de nos principales revendications est abandonnée (la PMA), c’est plus que maladroit. Les discussions ne commencent pas de la meilleure manière". Et Nicolas Gougain pointe le choix de La Croix pour annoncer "un recul important sur un engagement de François Hollande" : là aussi c’est une "maladresse" qui blesse les assos de défense des droits homosexuels.
Elle s’approprie le sujet, quitte à fâcher sa collègue du gouvernement
Peu de temps après la publication de l’interview de la ministre de la Justice sur le site de La Croix lundi soir, l'entourage de la ministre déléguée à la Famille, Dominique Bertinotti, également chargée de la consultation autour du projet de loi, a réagi auprès de l’AFP. Un autre son de cloche s’est fait entendre, plus ouvert. Pour l’instant, le texte sur l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples homos n'en est qu'au stade de "préprojet", assurait donc l’entourage de Dominique Bertinotti. "Nous sommes au début des auditions. On ne peut préjuger de leur contenu. Au terme de ces échanges, un projet sera soumis à l'arbitrage du président de la République et du Premier ministre", a nuancé le ministère de la Famille. "Les premières auditions démontrent que des questions sont ouvertes, notamment quant au statut du tiers (beau-parent) ou encore à l'adoption pour les couples non mariés", indique encore l’entourage de la ministre de la Famille.
J’ai donc contacté le le ministère de la Justice pour y voir plus clair. La Chancellerie tente de calmer le jeu. "Les consultations vont bien entendu continuer", m’explique la place Vendôme. Quelle valeur accorder aux annonces de Christiane Taubira si rien n’est écrit ? L’interview de la ministre "constitue un socle juridique à partir duquel les consultations avec les associations seront menées", précise le ministère de la Justice. "Il ne s’agit que de la traduction juridique de la commande du président de la République". Quid de la PMA ? "Le projet n’est pas figé mais le président s’est engagé sur le mariage et l’adoption". Mais on me fait comprendre que si la PMA ne figure pas dans le projet de loi du gouvernement, elle pourra toujours être introduite par les parlementaires pendant l’examen du texte via un amendement.