Mariage des homos : ce que prévoit la loi, ce qu'elle ne prévoit pas

FRED TANNEAU / AFP

C'est à la fois la première réforme sociétale du quinquennat de François Hollande et une révolution sociétale. Le projet de loi sur le mariage et l'adoption pour les couples homosexuels a été adpoté mercredi 7 novembre en conseil des ministres. Ce texte est fidèle à l'engagement 31 du programme de François Hollande, au nom de l'égalité des droits avec les hétérosexuels. Mais la loi portée par Christiane Taubira, ministre de la Justice, et Dominique Bertinotti, ministre déléguée à la Famille, est loin de faire consensus. Elle suscite une opposition très virulente de l'Eglise, et de l'ensemble des religions dans une moindre mesure. La droite est aussi hostile au projet, malgré certaines voix discordantes. Enfin, cette loi ne va pas assez loin pour les associations de défense des droits des homosexuels et homparentales. Que prévoit la loi ? Sur quoi fait-elle l'impasse ? Explications.

Ce que contient la loi

Le changement symbolique et majeur de ce projet de loi est introduit via l'article 143 du code civil. "Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe" : cette phrase rend possible le mariage pour les couples de même sexe. Une avancée significative pour les couples homos qui devaient jusqu'ici se contenter du Pacs, ils pourront par exemple hériter de leur conjoint, y compris en l’absence de testament, ou aussi percevoir une pension de réversion en cas de décès d'un des membres du couples. Les couples de français qui se sont mariés à l'étranger dans des pays où cela est autorisé pourront aussi faire retranscrire leur union en France, même si le mariage a été contracté avant le passage de la loi. Conséquence de cette ouverture du mariage : toute une série d'articles du code civil est nettoyée par le projet de loi. Les termes "femme", "homme", "père" et "mère" disparaissent au profit d'"époux" et de "parents". Des dispositions à transposer dans les actes d'état civil (actes de naissance, de mariage, de décès...), de même que dans les livrets de famille. Toutefois, le gouvernement précise que "ces actes, ainsi que le livret de famille continueront à utiliser les termes de 'père et mère' dès lors qu'il s'agira de couples de personnes de sexe différent".

Autre mesure très attendue par les couples homos et contenue dans le projet, le droit à l'adoption (adoption simple ou plénière) pour les couples homos qui seront mariés. Un droit qui, au moins dans un premier temps, risque de rester symbolique car il y a de moins en moins d'enfants à adopter pour toujours plus de candidats, comme je l'expliquais dans ce postPar ailleurs, le texte du gouvernement précise qu'en cas d'adoption les parents de l'enfant devront se mettre d'accord sur le nom de famille accordé à l'enfant. Si l'enfant porte les noms de famille des deux parents, ces derniers devront se mettre d'accord sur l'ordre des noms, auquel cas, c'est l'ordre alphabétique qui tranchera.

Ce que la loi ne contient pas

Plusieurs "absences de tailles" aux yeux des associations LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans). Promesse de campagne de François Hollande, l'accès à la procréation médicalement assistée (PMA, c'est-à-dire l'insémination artificielle ou la fécondation in vitro) ne figure pas le projet de loi. Il s'agissait pourtant d'une revendication forte des associations LGBT. Si le Premier ministre a renvoyé cette question à une future loi sur la famille sans en préciser le délai, le Parti socialiste a déjà promis d'introduire la PMA dans la loi, via un amendement lors de l'examen du texte au Parlement. Bruno Le Roux, président du groupe PS à l'Assemblée, s'y est engagé et cette démarche est soutenue par Erwann Binet, le rapporteur de la loi sur le mariage pour tous et député de l'Isère. Reste à savoir si une majorité osera aller à l'encontre du gouvernement.

L'avant-projet ne contient pas non plus de référence aux questions de filiation. Actuellement, quand un enfant naît dans un couple marié ou non, le mari ou le concubin est considéré par la loi comme étant le père, c'est ce que l'on appelle la présomption de paternité. Les assos homoparentales demandaient à ce que cette présomption de paternité deviennent une présomption de parenté, ce n'est pas le cas dans ce texte. Ce qui complique la reconnaissance des liens de filiation. Exemple : un couple de lesbiennes a eu recours à une PMA en Belgique ou en Espagne. En France, seule la mère biologique est reconnue. Pour pouvoir exercer ses droits, la mère "sociale" devra épouser la mère biologique et faire une demande d'adoption de l'enfant.

Le projet du gouvernement ne prévoit pas non plus de s'attaquer au statut du tiers (ou statut du beau-parent), réclamé par les assos LGBT mais aussi par les familles recomposées. En clair, ce statut permettrait d'offrir un statut à la multiparentalité (quand un enfant a trois ou quatre parents, comme lorsqu'un couple de lesbiennes conçoit un enfant avec un homme, par exemple). L'avant-projet ne prévoit aucune réflexion sur les familles fondées en-dehors du cadre strict du mariage. Quid l'adoption par les couples pacsés ou en concubinage ? Idem pour une autre revendication des assos LGBT : l'inscription à l'état civil des enfants nés d'une mère porteuse à l'étranger, c'est aujourd'hui impossible. Comme la PMA, toutes ces questions pourront faire l'objet d'amendement lors du débat parlementaire. Ces amendements seront-ils soutenus par le gouvernement ? Rien n'est moins sûr.

Et maintenant ?

Après sa présentation en conseil des ministres, le projet de loi va arriver à l'Assemblée nationale. Avant le débat dans l'hémicycle, la commission des lois va mener des auditions sur ce sujet. Associations, sociologues, psychiatres, psychologues, religieux, profs... Environ 80 personnes ou institutions doivent être auditionnées tous les jeudis en novembre, décembre. Ensuite, le texte sera débattu et certainement amendé par les députés à partir de la fin du mois de janvier. La loi sera après examinée au Sénat, avant de revenir à l'Assemblée, c'est la traditionnelle navette.  L'adoption définitive du mariage pour tous n'est pas prévue avant la fin du premier semestre 2013.