La dernière enquête de l'Insee témoigne d'une nouvelle progression des inégalités. En 2011, près de 8,7 millions de personnes, soit 14,3 % de la population contre 14 % en 2010, vivaient sous le seuil de pauvreté, avec moins de 977 euros mensuels, selon Le Figaro.
L'association Oxfam, elle, estime dans un rapport publié le 12 septembre que la poursuite en Europe des politiques d'austérité pourrait faire basculer 15 à 25 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté d'ici 2025.
Double occasion de revenir sur le livre publié cette semaine par ATD Quart-Monde, En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté. En cette année de campagne municipale, l'association entend dénoncer l'insistant refrain de la "dénonciation de l'assistanat", qui serait payé par "les classes moyennes". "Les bénéficiaires du RSA se prennent ça en pleine figure, souligne un des auteurs, Jean-Claude Sarrot, et leurs enfants se disent : 'mes parents sont vraiment des assistés' alors que c'est un cliché inexact."
Parmi les dizaines d'autres, cinq préjugés dont l'ouvrage démontre la fausseté :
Idée reçue numéro 1. "Tout le monde peut devenir sans abri"
Faux. "Ce risque est en réalité faible pour celui qui peut compter sur un réseau social et un métier. La grande majorité des personnes sans-abri a connu un cumul de précarités dans la durée et un isolement social important.
Parmi les personnes sans domicile nées en Europe ou arrivées en France avant 16 ans, 28 % des hommes et 32% des femmes déclarent avoir été placés durant leur enfance ou leur jeunesse".
(Source : Jean-Marie Firdion, Isabelle Parizot, «Le placement durant l’enfance et le risque d’exposition aux violences à l’âge adulte», Violences et santé en France. Etat des lieux, Paris, La Documentation française, 2010.)
Idée reçue numéro 2. "Les pauvres font des enfants pour toucher des aides"
Faux. "Les revenus d’une famille de deux enfants de moins de 14 ans et ayant 2 100 euros de revenus (allocations familiales de 127 euros incluses) la situent juste au dessus du seuil de pauvreté. A chaque nouvel enfant, elle se rapproche un peu plus du seuil de pauvreté".
(Source : le calcul a été fait par ATD-Quart Monde, sur la base du seuil de pauvreté 2010, dernier chiffre disponible en juin 2013).
Idée reçue numéro 3. "Les pauvres font tout pour profiter au maximum des aides"
Faux. "Une partie des personnes éligibles à différentes aides n’en font pas la demande. C’est ce que l’on appelle le non-recours. Les taux de non-recours sont les suivants: 50% en moyenne pour le RSA (68% pour le RSA activité, 35% pour le RSA socle), 29% pour la CMU complémentaire, 68% pour le tarif première nécessité d’EDF, 62% pour le tarif spécial solidarité de GDF, 50 à 70% pour les tarifs sociaux dans les transports urbains".
(Source : L’Envers de la «fraude sociale». Le scandale du non-recours aux droits sociaux, Paris, La Découverte, 2012).
Idée reçue numéro 4. "On ne vit pas trop mal avec le RSA"
Faux. "Le cliché qui montre l’'assisté social' prenant du bon temps pendant que les autres travaillent a la vie dure. Comme les personnes qui ont des niveaux de revenus différents vivent de plus en plus dans des mondes séparés,elles se connaissent et se comprennent de moins en moins.
Quelques indicateurs devraient cependant faire comprendre la réalité des choses, par exemple la croissance de la part des dépenses contraintes (loyer, téléphone, gaz, électricité, cantine, assurances...).
(Source : le rapport "Pour une mise en œuvre du droit à des moyens convenables d’existence. Analyse établie autour du concept de «reste à vivre» publié en juin 2012 par le Comité national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale).
Idée reçue numéro 5. "Les pauvres ne savent pas gérer un budget".
Faux. A l'inverse, ils ont souvent cette compétence, qui ne leur est pas reconnue. 'Pour s’en sortir face à des budgets de plus en plus restreints, les personnes en situation de précarité doivent faire preuve d’une certaine expertise. Il faut constamment calculer, comparer les prix, faire attention aux promotions, connaître les bonnes adresses de magasins discount ou de de stockage, avoir recours aux épiceries sociales, utiliser des bons de réductions, arbitrer entre l’utile et le nécessaire.»
(Source : Rapport annuel 2011 de la Mission régionale d’information sur l’exclusion en Rhône-Alpes).
«Les riches ont tiré un rideau sur les pauvres, un rideau sur lequel ils ont peint des monstres", écrivait l'Anglais et précurseur de la sociologie urbaine Charles Booth, cité en exergue. Pour ceux qui ont envie d'entrouvrir le rideau :
-> En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté, de Jean-Christophe Sarrot, Bruno Tardieu et Marie-France Zimmer (192 pages, coédition Editions de l'Atelier- Editions Quart Monde, 5 euros).
ATD-Quart Monde invite à "poursuivre le débat" en écrivant à ideesrecues@atd-quartmonde.org .