Non, les Etats ne sont pas impuissants face à la finance. Non, l'austérité n'est pas une fatalité. Ce sont les deux axes-clés de Nous on peut, Manuel anticrise à l'usage du citoyen (Points Seuil) que publie Jacques Généreux, économiste et prof à Sciences po.
Une réédition qui tombe à pic puisque même Les Echos s'interrogent désormais sur une rigueur qui "ne marche pas", sur fond de croissance en berne.
A l'occasion de la sortie actualisée de son livre, trois questions à ce proche de Jean-Luc Mélenchon, qui dénonce l'obligation d'équilibre budgétaire prévue dans le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG, examiné le 2 octobre pour ratification à l'Assemblée nationale).
Pourquoi êtes-vous opposé au Pacte budgétaire européen (TSCG) ?
C'est un non-sens économique. Si ce Traité est appliqué, on court à la catastrophe économique, écologique et sociale. Avec l'obligation d'un budget toujours en équilibre, on condamne l'investissement comme quelque chose d'anormal. Comment, dans ce cadre, financer les lourds investissements nécessaires à la transition écologique?
Si on appliquait ces règles de comptabilité aux entreprises privées, on retournerait au Moyen-Age, en les empêchant de se financer par l'emprunt pour leurs investissements à long terme.
François Hollande, selon vous, n'a pas tenu sa promesse de renégocier ce traité?
Il y a un précédent. En 2004, François Hollande avait estimé qu'il y avait dix points à renégocier dans le Traité constitutionnel européen. Quelques mois plus tard, il est parti en campagne pour le oui au référendum sur ce traité, tel qu'il était.
Sans surprise, il a refait la même chose pendant la campagne présidentielle. Le texte du Traité est celui que Nicolas Sarkozy avait signé. Le pacte de croissance adopté en juin dernier à Bruxelles est un ramassis de mesures à long terme, dont certaines seront peut-être positives, mais sans effet à court terme.
Le candidat socialiste François Hollande avait reçu mandat des électeurs pour renégocier le Pacte budgétaire. Puisqu'il ne l'a pas fait, une fois élu, il devrait au moins demander l'avis des Français par référendum, ce serait la seule attitude digne.
Dans votre Manuel anticrise, vous affirmez qu'on peut très bien sortir de l'austérité. Avec quelles recettes miracle?
En économie, il y a les politiques qui marchent et celles qui ne marchent pas. La seule proposée, celle de la rigueur, qu'on a expérimentée en Grèce, ne marche pas.
Pour réduire la charge excessive de la dette, il y a un gisement de prélèvements possibles, du côté des revenus du capital et du patrimoine. A titre d'exemples :
- Un rapport de l'inspection générale des finances estime que la moitié (50 milliards selon Le Monde) des niches fiscales n'ont pas de réelle utilité. On peut donc les récupérer sans déprimer l'activité.
- Il y a 50 milliards d'intérêts payés par an pour les intérêts de la dette. Si l'on empruntait à des banques publiques à 1%, on ne paierait que 15 milliards d'intérêts.
- La fraude fiscale représente 30 à 40 milliards par an. L'Italie a récupéré 12,5 milliards d'euros l'an dernier, en affectant plus de 11.000 fonctionnaires à la lutte contre les fraudes fiscales et sociales. Ces 11.000 fonctionnaires ont coûté un milliard d'euros, ils ont rapporté 10 fois plus.
Et là, de quoi discute-t-on comme piste ? On veut exclure tous les produits spéculatifs des impôts. On sort les revenus financiers de la tranche d'imposition à 75%. François Hollande n'est pas dans le rapport de forces nécessaire. Si on continue, il y aura en France 4 millions de chômeurs début 2014 et une situation explosive.
Nous, on peut ! Manuel anticrise à l'usage du citoyen (Jacques Généreux, Points Seuil, 5,90 euros)