Ariane Baillon, bachelière à Benoît Hamon, Ministre : "une seule femme philosophe au programme de terminale", c'est pas sérieux!

changeAriane Baillon a 17 ans. Juste bachelière, elle témoigne sur le site de Rue89Bordeaux de la découverte fabuleuse qu'elle a fait l'an passé au lycée : la philo!

"Quelle ne fut pas ma joie à la rentrée de me voir remettre un épais manuel de philosophie, présage d’une initiation intense à l’exercice de la pensée et aux combats des préjugés" écrit-elle. J'avoue, en lisant cette phrase, que je me suis un peu revue à son âge (et même d'ailleurs toujours aujourd'hui, une vingtaine d'années après l'obtention de mon bac). Comme Ariane, j'ai eu le coup de foudre (et dure l'idylle) pour cette discipline de la pensée critique, qui étreint et entrelace la culture, la logique et l'imaginaire afin de s'aider soi-même à comprendre le monde, de questionner avec d'autres ses visions, de faire de tout ce qui chagrine, dérange, enthousiasme ou laisse perplexe un motif de réflexion par delà les préconçus et les opinions trop simplistes pour être honnêtes. Et de grandir, à l'infini, en s'enrichissant de la lecture de tous ces grands auteurs, qui depuis l'Antiquité, éclairent ce qui interroge (dans) la réalité : l'autre, l'amour, la nature, le pouvoir, le travail, la justice, la science, le langage, l'histoire...

L'an dernier, Ariane s'est passionnée, à raison, pour les écrits de "Platon, Épicure, Descartes, Pascal, Kant, Nietzsche, Foucault"… Mais elle s'est étonnée aussi de ne voir qu'un nom de femme parmi les auteur-es au programme de sa terminale, celui d'Hannah Arendt.

Aspasie

Aspasie

Mais où sont "Simone de Beauvoir, Anne Conway, Simone Weil, Catherine Kintzler", demande-t-elle? Pas dans son manuel de philo, où ne figurent pas non plus l'athénienne Aspasie qui mena une intense réflexion sur la chose politique et fut largement précurseure du mouvement suffragiste (mais que ses contemporains ont essentiellement traitée en "précieuse ridicule" avant la lettre et que les nôtres ne savent qualifier que de "compagne de Périclès"), ni une Axiothée de Phlionte ou une Lasthénie de Mantinée (jamais définies que comme des disciples de Platon), ni une Elisabeth de Bohème (là encore rapportée essentiellement à la correspondance qu'elle a entretenue avec Descartes, sans que l'on daigne lire au delà de ce fait relationnel le contenu très sophistiqué de la réflexion sur les "causalités" que ses lettres contiennent), ni une Edith Stein (première docteure en philosophie allemande et penseuse indispensable des "valeurs" des humain-es et des sociétés), ni une Hélène Metzger (fine épistémologue des sciences et de l'histoire qui a questionné en profondeur le positivisme et ses mythologies)... Ni tant d'autres encore que les manuels scolaires oublient, quand dans le propos d'Ariane Baillon viennent s'incarner les résultats des études du Centre Hubertine Auclert qui mettent en évidence la vertigineuse sous-représentation des femmes dans les manuels de lettres, d'histoire, de philo dont on veut croire qu'ils donnent le la de la culture de base juste et impartiale, avec laquelle nos enfants quitteront l'école...

Alors, Ariane Baillon a décidé d'adresser au Ministre Benoît Hamon une pétition pour donner (rendre) leur (juste) place aux femmes dans les manuels scolaires. Sa lettre ouverte, redoutablement bien troussée et que chacun-e peut signer, est le manifeste ultra-pertinent d'une école qui remplirait véritablement sa "vocation" en faisant découvrir et connaître ce qui est indispensable mais pas si immédiatement accessible (tel l'apport des femmes aux progrès des sciences et de la pensée) et celui d'un cours de philo qui jouerait enfin son véritable rôle en questionnant aussi les mécanismes de légitimation des figures historiquement remarquables plutôt qu'en laissant croire par la force des références masculines accumulées et la rareté des références féminines invisibilisées que l'élévation de la pensée n'est quasiment que le propre du mâle.