"Pour nous, il ne s’agit point de permettre aux Français de ne pas mettre au monde des enfants qu’ils ne désirent pas mais au contraire de les aider à créer une famille dont il leur appartiendra en propre de fixer l’importance et le rythme d’accroissement en fonction de leurs possibilités. (...) Nous estimons que l’heure est désormais venue de passer de la maternité accidentelle et due souvent au seul hasard, à une maternité consciente et pleinement responsable."
Ainsi s'exprimait, il y a 46 ans, devant l'Assemblée Nationale, le député Lucien Neuwirth, défendant sa conviction que le contrôle des naissances relevait des droits fondamentaux de l'humain-e et promouvant l'accès à la contraception orale pour les femmes qui le désireraient.
Bien que marqué par l'époque et contenant par là-même par des perceptions qui peuvent aujourd'hui nous paraître dépassées, son discours et le vote de loi qu'il a emporté constituent une étape majeure dans l'avancée des droits des femmes.
Lucien Neuwirth s'est éteint la nuit dernière.
La presse salue aujourd'hui, de façon juste et nécessaire, son apport essentiel à une société de progrès, dans laquelle la liberté de choix des individus pour ce qui concerne et leur corps et leurs conditions de vie et leur avenir est une valeur cardinale. Mais il me semble que cette même presse fait, pour une grande partie, un grand contre-sens en désignant Neuwirth comme le "père" de la pilule.
Car ce que disait Neuwirth, c'est justement qu'il n'y a pas d'autorité légitime qui puisse s'exercer sur les femmes et les couples en matière de contrôle des naissances, en dehors de leur libre arbitre. Son projet était anti-patriarcal par essence, allant même jusqu'à préciser le rôle de l'intervention du médecin prescripteur non pas comme un juge de la respectabilité de la décision de recourir à une contraception, mais comme un accompagnant compétent en son domaine et uniquement en son domaine (l'appréhension de la physiologie spécifique de "chaque femme" - et non de LA femme - et la connaissance des produits pharmaceutiques disponibles et de leurs éventuelles contre-indications).
Lucien Neuwirth croyait à raison en la responsabilité, en la conscience et en la liberté de chaque individu. Il ne se posait pas en "père" des femmes. Il n'était pas le "père" de la pilule. Il en était le promoteur. Il comptait parmi les bâtisseurs d'une société moderne et digne. Il reste l'auteur d'une loi majeure et un acteur engagé du changement qu'elle allait initier.