Le chercheur américain Andrew Healy, co-auteur d'une étude sur l'influence de la composition des fratries sur les postures politiques à l'âge adulte, est surpris : "on pourrait s'attendre à ce que les petits garçons ayant grandi avec des soeurs soient plus prompts à défendre l'égalité femmes/hommes" au sein de leur ménage... Mais c'est, dans les faits, l'inverse qui se produit.
Avec un collègue de l'Université de Stanford, Andrew Healy a observé l'évolution des comportements sociaux et du positionnement politique de plusieurs cohortes d'hommes depuis 1960 et constaté que, ceux qui n'ont été élevés qu'avec des soeurs sont aussi ceux qui partagent le moins les tâches domestiques avec leurs compagnes... Et ceux qui se révèlent, de façon générale, les plus conservateurs!
De la répartition des tâches genrée au vote conservateur
En d'autres termes, assister dès sa plus tendre enfance au ballet (!) des femmes et filles qui aspirent, récurent, époussettent et javellisent rend non seulement plus prompt à croire que ce sont des fonctions normalement féminines (d'où la répartition inégalitaire des corvées dans leur propre organisation familiale) mais encore et surtout à défendre les valeurs d'un système qui s'appuie en large partie sur la répartition traditionnelle des rôles (d'où l'inclination à voter pour les partis conservateurs)...
Car quand la culture familiale héritée s'imprime sur le bulletin de vote, ce n'est plus de sexisme inconscient dont on parle, mais bien de sa transformation subreptice en volonté de préserver des structures sociales acquises, aussi inégalitaires soient-elles.
Lutter contre le sexisme pour lutter contre le conservatisme
Donc, si l'on avait donc encore besoin de s'en convaincre :
- le sexisme prend bien racine dans la toute petite enfance et la primo-éducation, dans tous les lieux de socialisation, conforte incessamment les certitudes sur ce que sont et doivent être les filles et les garçons ;
- ces certitudes n'ont pas de fondements autres que contextuels (puisque quand les petits garçons sont élevés avec des frères, ils prennent plus facilement l'habitude de mettre la main à la pâte) ;
- défendre politiquement de telles certitudes, ou à tout le moins en tolérer la permanence au nom du bon droit de chacun-e à faire comme il/elle veut chez soi, n'a pas que des conséquences sur les rapports femmes/hommes mais essaime un vaste ensemble de conceptions réactionnaires (en d'autres termes, être décomplexé-e de l'inégalité chez soi, c'est aussi l'être hors de chez soi et l'être en matière de rapports femmes/hommes, c'est aussi l'être sur bien d'autres thèmes)...
Pour réussir l'égalité, nul besoin de faire plus de fils... Il suffit de leur apprendre à passer par l'aspi!
Une fois qu'on a dit ça, nul n'est besoin de se reproduire à l'infini pour donner des frères à ses fils et filles en vue de favoriser l'égalité entre femmes et hommes et le progrès social de façon générale : il est plus simple (et moins fatiguant) de s'assurer au quotidien que l'on demande autant à son petit garçon de passer l'aspirateur qu'à ses soeurs !