Il y a des débats qui ont ceci d'utile qu'ils permettent de révéler le fond de la pensée de nos contemporains, et parmi ceux-ci, de celles et ceux qui nous représentent en démocratie.
Ainsi, à l'instar des discussions sur le mariage pour tous qui nous ont donné le loisir d'observer ce qu' "un papa et une maman", et partant un homme et une femme, signifiaient dans l'esprit d'une partie des français, les commentaires sur la réforme annoncée du congé parental apportent leur nouveau lot de considérations ébaubissantes sur les rôles féminins et masculins dans la famille.
Certes, il y a toujours un Zemmour prêt à refaire l'histoire de la pédopsychiatrie (et d'à peu près n'importe quoi avec un applomb sans égal) pour le prix d'une saillie réactionnaire... Mais il y a aussi Pécresse, instigatrice d'une pétition contre le projet de loi-cadre sur l'égalité entre les femmes et les hommes présenté la semaine dernière par Najat Vallaud-Belkacem. Oui, oui, une pétition pour sauver la famille traditionnelle, comme on en lance pour faire cesser le massacre des baleines, libérer les otages ou défendre les crédits de la maison des associations de son quartier.
Alors, on signe pour quoi, au juste, avec Pécresse? Elle s'en est expliquée au Journal des Femmes (Femmes, qui lisent aussi le Journal de tout le monde, soit dit en passant, sans vouloir digresser à tout bout de champ). Attention, les yeux, ça brille! Ce qu'il faut sauver, dit en substance la soldate Pécresse, c'est une organisation de la famille qui roule... Même si c'est avant tout pour la carrière professionnelle des hommes.
Ce qu'il faut aussi sauver, c'est la dignité des pères! Non mais quand même, "Pensez-vous que le plus grand nombre sont les pères qui ont envie de changer des couches ?" s'exclame la députée des Yvelines en réaction au projet de réforme du congé parental visant à impliquer davantage les hommes dans la toute petite enfance de leur progéniture. Non, non et non! On ne va quand même pas demander à nos conjoints de mettre les mains dans la merde, alors que nous, les femmes, on aime tellement ça, surtout quand la lingette dérape et s'aplatit sur le sol face tartinée, selon la bonne vieille loi de la gravité, ou de l'emmerdement maximum...
Mais attention, ça ne veut pas dire que les enfants n'ont pas besoin de leur père, mais juste plus tard, quand ils sont plus autonomes par exemple, réglés sur le rythme jour/nuit, propres et parlants. Ou alors, quand ils rencontrent de vrais problèmes comme une "maladie" grave, un "décrochage scolaire", une "dépression" ou qu'ils sont en pleine "crise d'adolescence". "Cela sera socialement mieux vécu par les entreprises de voir les pères s'impliquer dans des problèmes un peu plus compliqués", précise Pécresse. Ben tiens, c'est connu que les hommes s'y prennent mieux avec les "problèmes compliqués". En plus, coup de bol, quand ils parviennent à s'en débrouiller, ça fait d'eux des héros qui ont sacrément assuré.
Les femmes, en somme, si l'on suit bien le discours de Valérie Pécresse, n'ont pas besoin de se sentir héroïques pour se vivre en bonnes mères, il leur suffit seulement d'être capables de tracer modestement un trait sur leur carrière. Ce qui n'a rien d'un exploit, c'est même parfaitement facilité par les inégalités salariales et professionnelles et même avec ferveur encouragée par... D'autres femmes.