"Tous les spécialistes de l'enfant vous disent que jusqu'à 6 ans au moins, les enfants n'ont absolument pas besoin de leur père et qu'ils ont uniquement besoin de leur mère."
"Les enfants commencent à avoir besoin de leur père à l'adolescence, en particulier quand ce sont des garçons mais pas seulement, il y a une présence masculine indispensable, de confrontation, il y a une confrontation physique."
"Il y a une volonté que j'appellerais totalitaire, tu parlais d'intrusion dans la vie privée des islamistes, le gouvernement socialiste fait pire que les islamistes, il exige que les pères deviennent des mères comme les autres, c'est ce que j'appelle totalitaire. Que (Najat Vallaud-Belkacem) se mêle de ses fesses."
A quoi pouvait s'attendre de mieux que cette avalanche de stupidités sexistes en réaction au projet de réforme du congé parental de la part d'Eric Zemmour, principalement connu pour faire commerce, sous le titre d'essayiste ou de journaliste politique, de chroniqueur ou d'écrivain, de toutes sortes de provocations sur les immigrés et les Musulmans, les gays et les féministes, les droits-de-l'hommistes et les bobos de gauche, tous et toutes ensemble responsables à ses yeux, de la décadence de la société occidentale.
Peu importe que Zemmour n'ait rien de mieux à offrir au débat public qu'un déballage de poncifs réactionnaires destinés à exciter les foules, à engluer les cerveaux et à faire du commentaire de l'actualité un sketch grotesque digne du séjour au confessional d'un-e partipant-e à une émission de téléréalité ? Sur I>Télé, il a pourtant son fauteuil au chaud et la réplique supposément contradictoire lui est complaisamment donnée par un Nicolas Domenach qui se paie une image de modernité sociale et d'ouverture d'esprit à peu de frais (face à Zemmour, ce n'est pas dur de gagner ses galons de démocrate aux vues larges) tandis que la journaliste Maïa Larqué est cantonnée au rôle de passeuse de plats.
Soyez bien certain-es qu'I>Télé n'a trouvé strictement personne d'autre, samedi dernier, qu'Eric Zemmour pour "disputer" les dispositions du projet de loi-cadre sur l'égalité entre les femmes et les hommes qui concernent le congé parental et qui peuvent effectivement faire débat. Faut-il réduire de 6 mois la durée du Complément de Libre Choix D'activité (le nom officiel du congé parental) quand il n'est pris que par les seules mères et n'en maintenir la durée actuelle (3 ans) qu'à condition que les pères se proposent à leur tour d'interrompre leur activité pour prendre soin, en relève de leur compagne, de leurs tout petits?
Si je suis personnellement favorable au partage des responsabilités parentales dès la naissance (et pas seulement à partir de 6 ans ou de l'adolescence, quelle étrange idée!) et que je m'inquiète par ailleurs de la "trappe à précarité" que représente l'éloignement de l'emploi pour les femmes (voire leur exclusion de fait du marché de travail, à moyen terme) qui font le choix de garder leurs enfants plutôt que de travailler, je conçois que d'autres opinions soient possibles et défendables, que l'on discute des effets attendus par la loi et des effets pervers qu'elle n'aura pas prévus.
Mais par pitié, qu'on ait cette discussion avec des gens légitimes et pertinents sur le sujet : des mères et des pères qui ont fait le choix du congé parental, par exemple, pour commencer, des professionnels de la petite enfance et des psys aux conceptions éventuellement divergentes, des sociologues du travail et de la famille capables d'éclairer les enjeux de la conciliation vie professionnelle/vie privée, des économistes en mesure d'évaluer les impacts de la réforme sur le système de cotisations sociales et de distribution des prestations familiales, des spécialistes des politiques publiques au point sur l'organisation et le financement des modes de garde alternatifs au congé parental...
Mais non, apparemment, la rédaction d'I>Télé n'a trouvé personne d'autre qu'Eric Zemmour pour donner de la hauteur à ce débat. Il fallait se contenter, samedi dernier, sur la chaîne d'information en continu du groupe Canal + d'un discours au ras des "fesses" de la Ministre des Droits des Femmes, puisqu'une occasion n'est jamais perdue, au passage, de faire allusion, quand on veut s'en prendre à une femme, d'évoquer, même métaphoriquement, son arrière-train...