Ce matin, au réveil, France Culture gazouillait. Une petite voix de bébé ponctuait gentiment les dires de Marc Voinchet et de ses invités.
Un instant encore dans les limbes, j'ai pensé que ma fille racontait de petites histoires à son doudou, dans la pièce à côté. Mais c'état du bien du poste que les jolis petits "areuh" venaient. L'explication : Jeannette Bougrab, invitée pour parler du radicalisme en France à l'occasion de la sortie de son essai Ma République se meurt, était tout simplement venue accompagnée de sa petite fille, May.
Ici, pas d'exposition déplacée de la vie privée, Jeannette Bougrab a toujours été d'une discrétion absolue sur la sienne.
Non, une simple réalité : à 6 heures 30 du matin, un lundi, la crèche était fermée. Jeannette Bougrab n'a pas renoncé à faire porter sa voix d'experte pour autant. Elle a pris sa fille sous le bras et elle est allée parler de son livre, de son travail et de ses réflexions utiles à la radio. Pendant l'émission, elle était claire et concentrée. L'enfant s'est manifestée à quelques reprises, mais tout doucement, sans turbulences ni cris. Ni Marc Voinchet ni ses chroniqueurs n'ont semblé perturbés. Une tendresse partagée semblait planer dans le studio.
Et à moi, cette matinale m'a fait un bien fou. Parce que tout à coup, cette femme qui parlait, avec intelligence, vivacité et finesse, n'était pas superwoman, ce n'était pas une femme sans attaches ni contraintes qui aurait eu tout le loisir de s'adonner entièrement à son boulot, en mettant de côté tout le reste de son existence. Pas une femme qui laissait son identité de mère au porte-manteau pour ne pas "déranger". Pas une femme prête non plus à renoncer aux opportunités professionnelles qui lui sont offertes en raison de sa maternité. Tout à coup, Jeannette Bougrab incarnait la possibilité de la conciliation vie professionnelle/vie privée. C'était tout simple en fait. Ca n'a gêné personne mais ça a mis du baume au coeur aux parents qui s'inquiètent de voir le train de leur carrière leur passer sous le nez quand l'enfant est malade, quand l'école est en grève, quand papy et mamie ne sont pas dispos. Je me suis dit que ce serait bien que des papas osent aussi ponctuellement en faire autant, quand ils sont seuls avec leur enfant ou quand leur compagne ne peut pas plus qu'eux se libérer, le jour où on les invite à s'exprimer.
Alors merci à Jeannette Bougrab d'avoir osé proposer ce modèle-là. Et merci à Marc Voinchet et à ses chroniqueurs de ne pas en avoir fait tout un plat.