Faut-il renommer l'école "maternelle"?

MINOLTA DIGITAL CAMERAFaut-il qualifier la première école de nos enfants autrement que de "maternelle"?

C'est la proposition de la députée socialiste Sandrine Mazetier, qui souligne à raison le renvoi implicite de l'univers de la petite enfance à celui de la maternité dans la désignation d'école "maternelle".

 

Une dénomination sûrement un peu désuète

Qui dit renvoi à la maternité dit renvoi aux femmes.

A l'heure où la parentalité se conçoit différemment qu'il y a 50 ans, où elle se partage mieux dans les couples, où les hommes aspirent de plus en plus nombreux à "profiter" des moments précieux (mais aussi parfois très cocasses, avouons-le, einh, Emma!) des premières années de leurs enfants et où le mariage pour tous rebat les cartes des genres dans la famille, il est assurément désuet d'associer la période 3-6 ans à une seule dimension de la responsabilité féminine.

"Ecole maternelle", oui, c'est un peu vieillot comme dénomination et ça rend regrettablement étrange, sans raison autre que les perceptions stéréotypées, la présence des hommes dans l'univers bambin.

Quand les "dames de la crèche" ont soudain un prénom à elles...

A la crèche où ma fille est gardée, il y a 8 femmes et 2 hommes qui s'occupent des enfants.

Je me surprends parfois à perpétuer le cliché en parlant des "dames de la crèche". Puis je me corrige et je les appelle non plus par l'ensemble "dames de la crèche" mais par leurs prénoms : Caroline, Gaëlle, Laetitia, Louis ou Stéphane. C'est intéressant que tout à coup, quand l'homme parait, l'identité propre de chacun puisse ressurgir, que le groupe englobant laisse soudainement place aux individualités.

Tant mieux, c'est ce qu'apporte la mixité. Cette possibilité de considérer les individus avant les catégories, de voir les personnes avant les fonctions, de reconnaître les compétences avant le genre. De redonner de l'humanité aux organisations et de faire de la place à la différenciation dans les ensembles. D'échapper encore aux catégories "féminin" ou "masculin" dans la vision des métiers.

Une dénomination plus attractive pour les hommes et les femmes qui y enseignent?

L'école maternelle n'est pas que le lieu du féminin.

Elle est aussi celui des hommes qui y enseignent, des pères qui s'investissent dans l'éducation des générations futures, des mères qui ne sont pas si "maternelles" que l'image collective de la maternité le voudrait. Elle est et doit être aussi le lieu de l'apprentissage de la différence, de la diversité, de la mixité. Elle peut donc effectivement prendre un nom plus "neutre", plus engageant pour les hommes qui auraient envie d'y exercer et moins réducteur pour les femmes qui apportent autre chose que du maternage à nos enfants.

La question de la "priorité politique" est-elle si pertinente?

Ah oui, mais voilà, c'est dérisoire, c'est un point de détail, ce n'est pas urgent (souvenez-vous, il y a le chômage, la dette, la crise du logement...).

En même temps, ça coûte quoi? Les instituteurs et institutrices sont devenu-es professeur-es des écoles en 1989, ça n'a pas révolutionné leurs conditions de travail, mais ça a symboliquement réévalué leur titre, ce qui n'est pas si anodin que ça. Renommer l'école maternelle en "petite école" ou "première école", comme le suggère Sandrine Mazetier, serait un acte symbolique, pour commencer.

A quand un vrai grand plan "égalité des genres" (et les moyens qui vont avec) à l'école?

écoleResterait à envisager la suite, à bâtir une école réellement moins stéréotypée et puis aussi, plus attractive et plus valorisante pour les enseignants et les enseignantes, donc sans doute plus prometteuse en termes de carrière et plus intéressante en termes de salaire. On sait que c'est une condition première de l'égalité professionnelle.

De plus, l'école a bien parmi ses missions d'éduquer à l'égalité des sexes, elle mérite un vaste et ambitieux programme en la matière. Il faudra lui en donner les moyens et les outils, au-delà des effets d'annonce.

 

Ndla : On lira aussi utilement les billets de mon voisin de blog Lucien Marboeuf, l'Instit'humeurs sur toutes les problématiques actuelles de l'enseignement.