Plus de 4 millions de personnes dans la rue pour la liberté d'expression et dans un même temps, dans un sondage Ifop paru dans le JDD, 50% des Français sont favorables à une limitation de la liberté d’expression sur Internet et les réseaux sociaux. Cela s'appelle un paradoxe et c'est souvent le cas dans les moments de fortes émotions populaires où la passion l'emporte sur la raison. La France a eu peur, elle a peur de continuer à avoir peur.
Dans la ligne de mire, entre autres, les sites de propagande djihadiste qui sont légions sur le net et qui participent à l'embrigadement d'apprentis islamistes.
Au-delà même de la justification de fliquer internet (les islamistes, mais aussi les racistes de tout bord, les nationalistes fascistes, tous communiquent et étendent leur réseau via le web, c'est un fait) se pose surtout la question de l'efficacité des mesures que l'on pourrait proposer. Bloquer les sites, poursuivre ceux qui y vont, sont-ce là les solutions pour endiguer le terrorisme ? Dans un autre domaine, Hadopi a-t-elle empêché le téléchargement illicite ? D'autant plus qu'en maitrise informatique, les hackers islamistes semblent nettement plus performants qu'un adolescent geek boutonneux cherchant à télécharger la dernière saison de Games of Thrones. Dans ce jeu de chat et de la souris, on peut craindre que ce soient les extrêmistes qui aient toujours un coup d'avance et que les dispositifs mis en places n'attrapent finalement que quelques exaltés inoffensifs. Cela peut faire plaisir à l'opinion mais de là, à être efficace...Question connexe et non des moindres, est-on en mesure d'obliger Facebook et Twitter à révéler des données personnelles ? N'est-ce pas là ouvrir une boîte de pandore ? Beaucoup de questions, aucune certitude.
De toutes les manières, il ne faut pas se leurrer, à part employer les moyens dictatoriaux de la Chine populaire pour bloquer totalement internet, aucune mesure admissible dans une république ne pourra nous préserver totalement de l'Islamisme au format numérique.
Quand en 1999, Sleater-Kinney écrivait God is a number, les trois Américaines ne croyaient pas si bien dire. 5 ans avant la naissance de Facebook, 6 avant celle de Twitter, elles affirmait que le numérique était le nouveau Dieu de notre époque dans un monde d'écrans, de claviers et de suite binaire de 0 et 1. On grandit avec internet et on y parle de Dieu, de son pays, de musique, de coeur et d'Histoire.
A l'époque, elles ne savaient pas encore que ce Dieu était à prendre aussi dans son sens littéral : Allah, dans sa vision la plus radicale, a bel et bien investi la toile. Car, autre paradoxe - temporel cette fois-ci, si les Islamistes vivent dans leur tête au 7e siècle, ils connaissent parfaitement la technologie du XXIe.