En 1993-94, suite à la disparition des délits de mendicité et de vagabondage du code pénal, des arrêtés anti-mendicité avaient immédiatement fleuri, d'abord dans le sud de la France (Montpellier, Perpignan, Nîmes, Carcassonne, Cannes, Valence ou Nice) puis ailleurs (La Rochelle). La peur du mendiant, du clochard, et dans sa version plus policée, du Sans Domicile Fixe (SDF), était née. Ou en tout cas, elle était officiellement validée par des maires de communes fort respectables ou souhaitant le rester. Puis l'habitat urbain s'y est mis, espaçant de manière étudiée les sièges sur les quais du métro ou dans les gares. Ou mettant des piques en dur (l'alu est encore réservé aux pigeons) sur des parties cimentées devant des entrées d'immeuble et de magasins. Comme on n'imagine pas un touriste, même en proie à une envie irrépressible de dormir suite à un violent jetlag s'assoupir en pleine rue, ces aménagements sont bel et bien conçus pour éloigner les SDF en les empêchant justement de s'allonger. On n'éradique pas la misère, on la rend moins visible. Un peu comme une femme de ménage, peu regardante, qui, ni vu ni connu je t'embrouille, mettrait la poussière sous le tapis.
A Angoulême, un nouveau cap vient d'être franchi dans cette lutte sans merci. La mairie a fait poser des cages en métal autour des bancs publics. En catimini. De manière un peu honteuse mais néanmoins affirmée. Suite à un début de polémique, Xavier Bonnefont, maire d'Angoulême, a fait retirer le dispositif.
En 1954, Georges Brassens chantait Les Amoureux des bancs publics. A une époque où la pauvreté était dans la rue bien visible (et réelle !) plus qu'aujourd'hui - 1954, c'est l'année du célèbre appel de l'Abbé Pierre, les passants honnêtes s'offusquaient surtout de voir les amoureux qui s'bécottent. Autre temps, autre moeurs.
Aujourd'hui, ce sont les pauvres que l'on ne veut pas voir. Mais à ce compte là, plus de SDF sur les bancs, mais plus d'"impotents ni de ventripotents". Et plus d'amoureux non plus.