Une journée contre la pauvreté... en terre d'abondance

CC - gillesklein sur Flickr

Aujourd'hui, 17 octobre, c'est la journée internationale pour l'élimination de la pauvreté. Ou du refus de la misère (c'est selon). L'initiative a été portée par  ATD Quart Monde et avalisée par l'ONU par une très officielle résolution en 1992.  Loin de moi l'idée d'être pessimiste, mais cette journée  a encore de beaux jours devant elle - le fait qu'elle tombe en plein coeur de l'automne n'y changera rien.

Dans les pays émergents,  une partie de l'humanité est sortie de la grande misère (en gros, ils sont encore pauvres mais ne meurent plus de faim - ce qui n'est pas rien). Mais en Occident, les différentes crises successives ont plongé des millions de personnes dans  la pauvreté et la précarité. Tous les pays sont touchés, y compris ceux que l'on montre trop facilement en exemple, comme l'Allemagne et l'Angleterre qui ne sont pas mieux lotis que nous (voir les statistiques d'Eurostat).

Dans un récent sondage commandé par ATD Quart Monde, les réponses des personnes interrogés font un peu froid dans le dos. 71% pensent que les pauvres ne paient pas d'impôts, oubliant au passage que la TVA, les taxes diverses et variées, la CSG, la CRDS...(dans ce domaine, le législateur a une imagination sans limite), sont payés par tous. 63% de ces mêmes sondés pensent que les minima sociaux encouragent l'oisiveté alors que de nombreuses études démontrent le contraire. ATD Quart Monde a même prévu un site pour combattre cette batterie de clichés. C'est vrai qu'une formule à l'emporte-pièce comme "l'assistanat, cancer de la société", lancée par un Laurent Wauquiez, peu enclin à célébrer la fraternité de notre devise nationale, n'a pas vraiment aidé. Et la proposition de référendum de Nicolas Sarkozy sur la mise en place de contreparties obligatoires aux prestations sociales. Et les suspicions lancées par François Rebsamen sur les abus à l'assurance chômage...

Et nous en sommes donc arrivés à ce que les classes moyennes en veulent aux smicards, et à ce que les smicards vilipendent les chômeurs. A ce rythme, bientôt les bénéficiaires du RSA déclareront que les SDF sont responsables du déclin du pays. Un ressentiment regardant invariablement vers le bas, alors que, suivant la formule reprise par Leonard Cohen dans sa chanson Land Of Plenty, la France est encore une "Terre d'abondance" : sans bruit et sans vague, il y a 67 français (en augmentation de 13 unités) dans les cinq cents plus grandes fortunes mondiales et que leur patrimoine a encore progressé de 15% en 2013 pour atteindre 390 milliards. Une paille ...

Dans sa chanson, Leonard Cohen avoue : "Je n’ai pas vraiment le sens du partage. Et de tendre la main". Avant de partir dans une drôle d'incantation : "Je prie à haute voix pour qu’aux feux du pays d’abondance brille la vérité". La vérité sur les pauvres, ce serait déjà pas mal...