Le pardessus sur les épaules, la mine crispée, Christophe Hondelatte pourrait arriver et évoquer le cas de George Stinney, une affaire criminelle remontant au printemps 1944 avec le meurtre de deux fillettes. Le problème, c'est que ce numéro de Faîtes entrer l'accusé sortirait des habituelles durées standards des émissions télévisuelles. Pas un 90', pas même un 52'. L'affaire George Stinney a été vite pliée et l'émission serait finalement trop courte. Il faut dire que dans la Caroline du sud des années 40, qui pouvait bien se soucier du sort d'un jeune garçon noir malgré ses 14 ans. Aucune preuve ? pas grave...Pas de témoin ? pas grave...Pas vraiment d'avocat ? on s'en moque...et après dix minutes de délibération, George Stinney est reconnu coupable. Il est exécuté moins de trois mois après le double meurtre : l'adolescent, plus jeune condamné à mort du XXe siècle aux USA (triste record), n'aura pas vraiment eu le temps d'arpenter le couloir de la mort.
Pour la peine, on est loin de l'idée que l'on se fait d'un procès "équitable" et nettement plus proche des exécutions sommaires qui sévissaient encore dans ce sud profond où planait l'ombre du Ku Klux Klan. Dès 1937, Billie Holiday évoquait ces lynchages dans son classique Strange Fruit : ces fruits étranges qui pullulaient alors n'étaient en fait que les corps des noirs pendus aux branches des arbres. Voici la chanson dans une version - acoustique - de Jeff Buckley :
L'exécution de Stinney n'est en fait que cela, un lynchage légitimé par un cadre pseudo légal. Un enrobage qui ne cache pas l'essentiel : le racisme.
Avec tout ça, vous allez me dire : "tout cela, c'est bien gentil mais bon ton affaire Stinney, ça date quand même ...de 1944 ! Sauf que le 17 décembre 2014 (pas 1944), lors d'un procès en révision initié par la soeur de Georges Stinney, le juge Carmen Mullen a acquitté le coupable (et accessoirement mort et enterré depuis 70 ans), estimant que ses droits avaient été violés lors de son procès et qu'il n'avait pas pu avoir une défense équitable. Il est donc innocenté.
C'est un peu tard pour ce pauvre Stinney, mais les erreurs judiciaires continuent d'exister (telle Ricky Jackson ou Glenn Ford) et elles sont mêmes légions, touchant souvent des condamnés noirs. En avril, une étude publiée par l’Académie des sciences américaine estimait que 4,1% des condamnés à mort aux USA étaient innocents - et c'est qui plus est, une fourchette basse, le pourcentage devrait donc être plus élevé. Bref, George Julius Stinney jnr (de son nom complet) est doublement encore dans l'actualité.