Communément appelée "Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine", "Alsace-Lorraine" est une chanson née au lendemain de la défaite française en 1871. On a oublié les paroliers (Gaston Villemer et Henri Nazet) et le compositeur (Ben Tayoux) mais ce chant revanchard est restée célèbre.
C'est vrai que les deux régions françaises sont étroitement liées dans l'inconscient national par le drame de la guerre et leur annexion commune dans l'empire allemand (jusqu'en 1919). Encore aujourd'hui, l'Alsace et la Moselle gardent un statut juridique spécifique. Mais l'Alsace, ce n'est effectivement pas la Lorraine et pas seulement à cause des cigognes, de la flammekueche ou de la langue alsacienne. On appelle ça une identité régionale forte et cela se construit, siècle après siècle, durant une longue et tumultueuse histoire. Le fait a été largement rappelé par de nombreux sénateurs, notamment le président du groupe UMP, Bruno Retailleau, lors du vote de la réforme territoriale au Sénat.
En l'état, ce sera donc "vous n'aurez pas d'Alsace-Lorraine". On ne peut que donner raison à Bruno Retailleau : l'Alsace est faite de particularisme et de spécificités, il serait faux de le nier. Mais n'est-ce pas le cas aussi de la Picardie ? ou de l'Aquitaine ? Des régions qui sont amenées à fusionner dans des ensembles plus grands. Ou la Provence dont le sort a été scellé dès 1982 et doit se "coltiner" la présence des Alpes et de la Côte d'Azur dans une maxi région, qui plus est au nom atroce, PACA. Et puis, on peut se demander une chose : l'Alsace allait-elle perdre son âme, son identité et sa culture en étant associée administrativement à la Champagne-Ardennes et à la Lorraine ? Ils ont bien survécus aux Prussiens, version casque à pointe ; ils devraient survivre aux Lorrains. Et même aux Champenois.
Décidément, la petite Alsace et ses 8200Km² se révèle conservatrice et le référendum pour la fusion des Conseils Généraux du Haut et Bas-Rhin s'était déjà soldé par un échec en avril 2013. Une Alsace forte et unique mais...deux conseils généraux tout de même. Une chose est certaine, on n'en a pas fini avec cette énième nouvelle carte des régions qui n'est pas encore sûre de sa stabilité. Midi-Pyrénées et Languedoc Roussillon ont choisi aussi de divorcer : dans ces régions de rugby, on préfère donc une France qui joue à XV (régions) plutôt qu' à XIII.
Tout cela pourrait donner des idées à d'autres : Martine Aubry a déjà dit qu'elle ne voulait pas de la Picardie. A moins que le retour à l'Assemblée Nationale ne revienne au projet initial de 13 régions. Avec toujours un gouvernement qui promet 10 milliards d'économie avec sa réforme territoriale ...mais sans le prouver. La porte ouverte à toutes les pagailles.