Enseignant depuis 22 ans, Arno est directeur d’une école élémentaire dans une petite ville de 5 700 habitants. Il y a quelques jours, il m’a envoyé un texte dans lequel il raconte une de ses journées de direction. C’était le 7 octobre dernier, un de ces jours surchargés comme les directeurs et directrices d’école en connaissent beaucoup : des rendez-vous, des imprévus, des contrariétés, de l’administratif à foison, des dossiers et des coups de fil, des réunions, de la logistique, de la gestion humaine de partout, enseignants, employés municipaux, parents et bien sûr, élèves. Tout ceci est narré avec humanité, humour, finesse, raconté avec légèreté, parce qu’il vaut mieux prendre les choses de cette façon.

A la lecture de son récit, on ne peut s’empêcher de repenser à Christine Renon, au suicide de cette directrice d’école, à sa lettre testamentaire. D’une certaine manière, le récit d’Arno vient illustrer, bien en amont et avec le sourire, ce que Christine dénonce. D’ailleurs, Arno explique que sa lettre lui a « paradoxalement presque fait du bien, elle y raconte mes journées d’école, l’organisation des mille et une choses, l’accablement devant l’absurdité de certaines tâches. C’est une lettre bouleversante mais aussi un acte politique fort, une sacrée dédicace ! J’y vois une perte de sens de notre boulot où les gens qui nous demandent d'enseigner font aussi tout leur possible pour nous en empêcher en nous accablant de projets à remplir, de mails et de demandes en tout genre, c'est exponentiel, on s'y perd, on se mord la queue... et on peut aussi y perdre la boule ».

La charge mentale est là, certaine, pesante.

Il faut vraiment lire ce récit. Parce que c’est un témoignage authentique, en prise directe avec le réel. Ceux qui travaillent dans les écoles (enseignants, agents de service, AESH…) s’y retrouveront forcément, ils reconnaitront les Pierrette et les Béatrice, les Annabelle et les zozos de CM2 : ils sont dans toutes nos écoles. Ceux qui ne savent pas (ou qui pensent savoir…) ce qu’est la vie d’une école, à quoi ressemble concrètement le travail quotidien d’un directeur, ceux-là doivent impérativement lire ce texte. Pour prendre connaissance, comme on regarde un reportage ou un documentaire. En gardant à l’esprit que tout ce qui est raconté ici tient en une journée…

Il y a encore une raison de lire le récit d’Arno. Ce fan de Jacques Risso a un sacré coup de crayon, et ses illustrations sont superbes et très parlantes.

Allez, trêve de blabla, cliquez ici.

Pour information et pour prolonger le récit d’Arno, on ajoutera que le ministère, qui s’est dit attentif aux discours et aux demandes des directeurs d’école suite au suicide de C. Renon, a annoncé il y a quelques jours plusieurs mesures :

- un questionnaire en ligne à destination des directeurs, que certains n’ont toujours pas reçu des semaines après, et qui de l’avis de beaucoup est très orienté et parfois hors-sol

- la mise en place d’un dispositif mobilisant des volontaires du service civique, censés répondre au téléphone ou gérer l’accueil des enfants : ce dispositif existe déjà depuis 3 ans et de nombreux directeurs d’école, notamment en zone rurale, attendent toujours des volontaires (par ailleurs, les services civiques n’ont pas pour vocation à occuper des emplois)

- l’octroi d’une journée de décharge supplémentaire pour tous les directeurs d’école en novembre / décembre 2019, une bonne nouvelle pour les directeurs, cependant le scepticisme est de mise sur la concrétisation de cette mesure, compliquée à mettre en place d’un point de vue logistique

- la création de « groupes départementaux de consultation et de suivi », accueillis sans illusion comme un nouveau comité Théodule dont ce ministère est friand…

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