Les parents français sont les plus pessimistes pour l’avenir de leur enfant

@ Mychele Daniau / AFP

Il y a quelques jours, la Varkey Foundation publiait une étude (en anglais, donc peu relayée en France) réalisée en ligne auprès de 27 000 parents de 29 pays, sur leur vision de l’école et de l’avenir. Même si elle met en comparaison des cultures et des systèmes éducatifs très différents, l’étude est en riche d’enseignements pour le regard croisé qu’elle permet avec d’autres pays, notamment ceux qui réussissent aux évaluations internationales (Finlande, Singapour, le Canada, le Vietnam…).

En substance et comparativement à ceux des autres pays, les parents français n’ont pas tellement le moral, s’investissent moins qu’ailleurs dans le travail de leur enfant et sont parfois dans le paradoxe : 4 sur 5 estiment que la qualité de l’enseignement en France est bonne mais moins d’un sur deux estime que l’école prépare correctement au monde de demain…

Pas le moral

Près d’un parent français sur quatre (23%) est pessimiste quant à l’avenir de son enfant, c’est plus qu’aucun autre pays de l’étude, la moyenne étant de 13%. Seulement 31% des parents français sont optimistes, alors que la moyenne des 29 pays est de 60%. Seuls les parents japonais le sont moins. A contrario, les finlandais sont optimistes à 73%, les vietnamiens à 68%, les canadiens à 62%.

Les parents français ne sont que 8% à trouver que la qualité de l’éducation s’est améliorée ces dix dernières années. Ici la France se démarque très nettement des autres pays, car la moyenne est de 40%,  le deuxième pays le plus négatif est l’Allemagne avec 19%. Les parents français sont 70% à penser que la qualité de l’éducation s’est dégradée en 10 ans (37% en moyenne dans les 29 pays). Seuls les Sud-africains sont plus négatifs (72%).

Globalement les parents asiatiques sont très positifs, les parents de Singapour pensent que l’éducation s’est améliorée à 70%, les parents vietnamiens à 65%. Les pays européens et américains sont plus mitigés (Finlande 39%, Canada 27%).

La qualité de l’enseignement reste bonne… à côté de chez soi

Malgré tout, 78% des parents français estiment que la qualité de l’enseignement est bonne dans l’école de leur enfant, c’est un chiffre assez étonnant car il se démarque des autres chiffres de l’étude. Dans les faits, les parents sont très majoritairement satisfaits de l’école de leur enfant. C’est autant que la moyenne des 29 pays de l’étude, c’est nettement plus que les parents allemands (57%) mais moins que les parents finlandais (87%) ou canadiens (94%).

Dans le détail, il est intéressant de noter que les parents français valorisent davantage l’école primaire : 82% pensent que l’école primaire de leur enfant dispense un bon enseignement, contre 74% pour un enfant dans le secondaire. Cet écart de 8 points est la quatrième plus important de l’étude.

Dans presque tous les pays, les écoles privées sont mieux considérées que les publiques (+12% en moyenne). En France cet écart est légèrement moindre (10%), l’école privée y est jugée bonne à 86% contre 76% pour l’école publique. A noter que quatre pays estiment que leur école publique est meilleure que l’école privée, dont la Finlande (97% contre 84%).

Quand on s’éloigne de ce qu’ils voient réellement pour leur enfant et qu’on leur demande ce qu’ils pensent du niveau de l’école publique en général, 39% des parents français seulement pensent qu’il est bon, c’est un peu moins qu’ailleurs (moyenne 45%, 16ème rang de l’étude), et 30% pensent qu’il est pauvre (20ème rang). Ce chiffre est à mettre en rapport avec le précédent : 4 parents sur 5 pensent que l’école de leur enfant est bonne, mais seuls 4 sur 10 estiment que le niveau de l’école publique est bon ! Cherchez l’erreur… Manifestement, on est toujours plus satisfait de ce que l’on connait et qui est sous nos yeux, et plus critique d’un point de vue général, notamment en fonction de l’atmosphère dans laquelle baigne le pays.

Ainsi, les pays qui réussissent aux évaluations internationales ont une excellente image de leur école publique : les parents finlandais pensent à 90% que le niveau y est bon, ceux de Singapour à 73%, les canadiens à 69%. Bien entendu, les différences d’offre selon les pays, tant pour le public que pour le privé, et l’histoire qui régit leurs rapports localement, limitent la comparaison.

Ici aussi, l’école primaire a meilleure presse chez les parents français (41%) que le secondaire (36%), un écart qui est le 5ème plus important de l’étude. Chez les parents d’élèves scolarisés dans le public, le taux monte à 44%, ceux ayant un enfant dans le privé ayant une vision nettement plus négative du niveau de l’école publique (14%, 3ème plus mauvais rang). Cet écart de 30 point est le plus fort des pays de l’étude (moyenne 17%).

Pas si attirés que ça par l’école privée

Les parents français sont globalement moins attirés par l’école privée que la moyenne des parents de l’étude. Là encore, il faut relativiser les comparaisons, car école privée (école payante, en fait) recouvre des réalités très différentes selon les pays.

Lorsqu’on leur demande : « si vous en aviez les moyens et que cela était possible, enverriez-vous votre enfant dans une école privée ? », 49% des parents français répondent non et 44% oui. 44% de oui, cela peut sembler beaucoup, mais l’école publique l’emporte néanmoins en France, alors qu’en moyenne les parents des 29 pays enverraient leur enfant dans le privé à 55% s’ils le pouvaient, contre 40% qui ne le feraient pas. La Finlande et l’Estonie, bien placés dans PISA, se détachent nettement du lot : 64% et 67% n’enverraient pas leur enfant dans le privé s’ils le pouvaient, contre 29% et 26% qui le feraient.

Ces chiffres sont à mettre en rapport avec les précédents : si seulement 39% des parents français trouvent que le niveau de l’école publique est bon, ils ne souhaitent pas pour autant envoyer leur enfant dans le privé. On peut y voir, sinon une relative marque de confiance dans l’école publique, un réel attachement aux valeurs d’égalité, de service public et de laïcité véhiculées par elle : en effet, les parents français sont, avec les japonais, ceux qui refusent le plus l’intervention dans l’école publique d’entreprises et d’organisation caritatives ou religieuses.

Ils accompagnent peu leur enfant dans le travail à la maison

Les parents français sont parmi ceux qui aident le moins leur enfant pour le travail à la maison : un quart d’entre eux consacre plus de 4 heures par semaine aux devoirs de leur enfant (moyenne de l’étude : 45%), contre 31% en Allemagne, 48% à Singapour, 70% au Vietnam. Dans plusieurs pays bien classés aux évaluations internationales, les parents accompagnent peu leur enfant : les parents canadiens et estoniens autant que les français (26%), et les finlandais encore moins (19%). Ici aussi la comparaison est délicate, tout dépend de la quantité et du type de travail demandé à la maison dans chaque pays. Néanmoins on peut estimer qu’en France, où la tradition des devoirs est importante, l’accompagnement parental est limité.

En moyenne, les parents français passent 3,9 heures par semaine sur les devoirs de leur enfant. Seuls trois pays y consacrent moins de temps, dont la Finlande (3,1) et le Japon (2,6). La moyenne de l’étude est de 6,7 heures, avec une tendance à fort accompagnement en Asie, hors Japon. Cette moyenne monte à 7,9 heures dans le privé, contre 6 heures dans le public.

Les parents français assument pleinement cet accompagnement limité : seuls 22% d’entre eux estiment ne pas passer assez de temps à aider leur enfant, c’est moins que la moyenne de l’étude (31%). 63% pensent y passer le temps qu’il faut (moyenne 55%), 8% trop de temps (=).

L’école ne prépare pas très bien au monde de demain

Quand on leur demande si l’école prépare correctement leur enfant au monde de 2030, les parents français ne répondent par l’affirmative qu’à 47%. C’est nettement moins que la moyenne (64%), que les parents indiens (88%), indonésiens (86%), finlandais (78%), américains (76%), vietnamiens (70%) notamment. Inversement, 44% des parents français pensent que l’école ne prépare pas correctement leur enfant pour les défis à venir, sensiblement plus que la moyenne de l’étude (30%), seules la Russie et la Corée du sud étant plus négatifs, avec 47% et 52%.

Concernant le futur de leur enfant, les principales sources d’anxiété citées par les parents sont : le fait de trouver un travail et d’avoir une belle carrière (42%), les préoccupations financières et le cout de la vie (34%), l’influence des autres et leur attitude envers l’alcool, les drogues et le sexe (30%) et leur sécurité (30%). Le terrorisme et les conflits ne viennent que plus loin (16%), mais c’est un sujet plus important en France, en Turquie et en Allemagne (34%). Quant au changement climatique, visiblement, cela n’inquiète pas plus les parents que ça (14%). Pourtant, leur enfant y sera davantage confronté qu’au terrorisme.

Changer les choses : mieux payer les profs et s’adapter au monde actuel

Si de l’argent devait être injecté dans le système éducatif, que privilégieraient les parents ? Le salaire des enseignants, en premier lieu, pour 50% des parents de l’étude (et même pour 76% en Allemagne, où les enseignants sont nettement mieux payés qu’en France), l’accès aux nouvelles technologies et à l’informatique (46%) et les activités comme le sport, le théâtre, les arts (44%).

Les parents français sont encore plus tranchés : 65% d’entre eux citent d’abord le salaire des enseignants, c’est le 3ème rang de l’étude. On se souvient d’un sondage disant qu’une majorité de français estimait que les profs ne devaient pas être augmentés, manifestement les premiers concernés estiment au contraire que c’est la priorité.

Pour mieux préparer leur enfant au monde de demain, les parents français pensent que l’école doit davantage se concentrer sur les nouveaux métiers et les compétences qui seront demandées dans le futur (59%), sur un cursus scolaire plus pertinent, plus en phase avec l’évolution de la société (57%), avoir un meilleur regard sur ce qui se fait ailleurs, à l’international (54%), une meilleure préparation à l’usage des nouvelles technologies (53%), une meilleure prise en compte des compétences non-traditionnelles (50%). Pour toutes ces propositions, les scores français sont supérieurs à la moyenne, signe que les parents attendent du changement.

 

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