Mes bonnes résolutions d’instit pour 2017

Le Maître menace sa classe de la férule - Gossouin de Metz - XIVe siècle

C’est le début de l’année, alors après avoir pris de bonnes résolutions dans ma vie perso (sortir les poubelles avant que la vie apparaisse dedans, battre mon fils au Mémory, lire 25 livres cette année…), l’enseignant en moi a décidé d’en faire autant. Voici donc, en vrac, quelques résolutions professionnelles tout à fait personnelles, que je compte bien tenir. Au moins la moitié. En tout cas, un bon tiers.

A l’école

Rester bienveillant avec mes élèves quoi qu’il arrive

Chaque jour, trouver la meilleure façon de faire passer les choses, aider les élèves à apprendre, et apprendre à apprendre ; chaque jour comprendre pourquoi cet élève ne comprend pas, chercher d’autres biais pour qu’il passe l’obstacle, avance, progresse ; trouver l’énergie et les ressources pour rester à l’écoute, attentif, pleinement concerné par chacun, même les jours où j’arrive à l’école avec une nuit blanche dans les pattes parce que ma fille a vomi douze fois, même le jour où Kevin me demande pour s’il peut m’emprunter une gomme parce que son chien a mangé la sienne, même le jour où Lilas vient me demander ce qu’est un verbe exactement, même le jour où Mia a décidé de descendre les escaliers à l’envers pour rigoler et bouscule Cassandy qui se foule la cheville, même le jour où Alex écrit in au lieu de un pour la 38ème fois de l’année, en CM2.

Etre compréhensif et bienveillant aussi avec les parents de mes élèves

Entretenir de bonnes relations avec les parents et leur concours actif dans le projet de travail mis en place dans la classe avec leur enfant. Que ce soit à 7 h 45 avant ou à 18 heures après une longue journée, essayer de les accueillir avec le sourire, savoir écouter leurs questionnements, leurs angoisses, ce qu’ils ont à dire sur leur enfant qui m’aidera à le comprendre, trouver les mots pour leur dire quel élève je vois en classe, ce que j’envisage pour lui, comment je compte m’y prendre et ce qu’ils peuvent faire eux, de leur côté. Et, parce qu’on ne choisit pas plus nos élèves que leurs parents, quand ceux-ci sont à la masse, quand le père et la mère de Kevin se déchirent devant lui, quand le père de Deborah arrive bourré au rdv de 16 h 30, quand la mère de Sarah ne comprend pas, ne veut pas voir que sa fille va mal, accepter de n’attendre d’eux que ce qu’ils peuvent donner.

Etre un collègue supportable

C’est décidé, en 2017 mon comportement sera irréprochable : je remettrai du papier quand le symbole « magasin vide » s’affichera à la photocopieuse, au lieu de quitter la salle lâchement ; je promets aussi de ramasser les bouts de feuilles massicotées tombés par terre ; et d’éteindre les ordis quand on a fini la séance d’info, de remettre le matériel de sciences à sa place, de même que les dossards et les ballons après le sport. Ah, il faudra apporter du café plus régulièrement. Vu ce que je bois.

Etre un collègue supportable (2)

Je serai un collègue supportable, je le sais, à cette seule condition : ramener mes mugs vides en salle des maitres. Cela m’évitera : 1. Les regards courroucés de mes collègues quand il n’y a plus de mug à 10 heures pour le sacro-saint café du matin. 2. De grogner quand je vois qu’il n’y a plus de mug en salle des maitres et de demander, un peu agacé, à mes collègues incrédules : « qui c’est qui fait de la rétention de mug ? ». 3. Le rire jaune et l’œil noir de mes collègues quand j’entre en salle des maitres le lendemain avec 9 mugs que je tiens comme je peux en déclarant : « je les ai trouvés dans les escaliers ! »

Quelques petites choses à garder à l’esprit en classe

Faire que chaque élève ait pris la parole, de lui-même ou interrogé, avant la récré de 10 heures.

Prendre le temps, arrêter la course contre la montre, résister à la pression du programme quotidien, hebdomadaire, périodique, annuel et tant pis si on ne fait pas tout, faisons-le bien, pour tous.

Soigner mon langage, marquer les négations, éviter les élisions, veiller à utiliser un vocabulaire varié et de qualité.

Institutionnaliser un temps de respiration au retour en classe, après la cantine (essayer quelques minutes de méditation ?).

 

A la maison

Rester calme pendant la campagne présidentielle

En attendant les propositions de la gauche, on a pu constater lors des primaires que la droite se préoccupait assez peu d’éducation et s’en tenait, dans la foulée de François Fillon, aux chimères idéologiques habituelles : retour de l’autorité (que fais-je d’autre, au quotidien ?), aux fondamentaux (la France est un des pays où ils ont le plus de place), suppressions de postes par dizaines de milliers, et promesses impossibles à tenir (comment faire de la couteuse formation initiale et continue des enseignants une priorité, comme le promet Fillon, avec pour autre priorité de faire des économies ?...). Lors de la campagne 2012, l’éducation avait été en bonne place dans les programmes et les débats entre candidats. Cette fois-ci, ça se présente nettement moins bien, il faudra rester zen dans son canapé.

Fuir les polémiques stériles entre enseignants sur le web

En 2016, la tension est montée d’un cran entre enseignants sur le web, notamment sur les réseaux sociaux. Blog qui ferme suite à une avalanche de commentaires nauséabonds, profil Twitter enterré par lassitude, noms d’oiseaux, attaques ad nominem, faux débats, intolérance, procès d’intention, sommations à choisir son camp : très peu pour moi, merci. Se tenir à l’écart de ces puériles pertes de temps et d’énergie.

Ne plus lire les commentaires en bas des articles sur les profs

J’ai déjà commencé depuis quelques semaines et franchement, je m’en porte nettement mieux ! Sérieusement, c’est fou ce qu’on peut lire dans les commentaires, à croire que les lâchers de trolls se multiplient…. On a du mal à croire ensuite que 2/3 des français ont une opinion positive des enseignants ! Du coup, on se crispe, on est sur la défensive, donc agressif, et on prend notre place dans le cercle vicieux. Mais ça, c’était avant, en 2016.

Garder un peu de patience pour mes enfants

Parce que, quand on est instit et qu’on retrouve sa progéniture, les réservoirs « tolérance sonore » et « écoute attentive » sont fréquemment à sec, il faut absolument garder un kit de compréhension psychologique de base pour ses propres enfants. Marre de regretter à 21 heures d’avoir été tendu et énervé avec eux : ils sont couchés, c’est trop tard. Mes enfants ont le droit de ne pas être les 30ème et 31ème roues du carrosse.

 

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