Pour la deuxième année consécutive, le SNUipp, principal syndicat du primaire, a sondé "les préoccupations des enseignants ». Il en ressort que le moral est globalement à la hausse chez les instits, qui paraissent plus investis que jamais dans leur mission, même si des frustrations demeurent.
Des instits (un peu) mieux dans leurs baskets
Au-delà des résultats bruts, il est intéressant de noter à un an d’intervalle, selon une même méthode de sondage mené par un même institut auprès d’une population significative (5 555 enseignants du primaire public), une évolution assez sensiblement à la hausse du moral des instits : 80% sont fiers d’exercer leur métier (+7%), 75% sont motivés (+6%), 53% se déclarent heureux (+7%) et même 26% sereins (+7%).
Les sentiments de stress (-3% à 76%), d’impuissance (-6% à 71%), de déception (-9% à 63%) et de colère (-8% à 62%) sont également moins vifs qu’il y a un an, même s’ils restent majoritaires.
Globalement, les instits ne sont pas satisfaits de leur situation professionnelle (58%), mais le nombre de satisfaits augmente de +5%, à 42%.
Deux remarques : 1. On constate d’un coté que les enseignants de primaire sont fiers et motivés par un métier qui les rend heureux, mais qui engendre un certain nombre de frustrations. 2. Après des chiffres assez catastrophiques en 2014, en pleine application des nouveaux rythmes scolaires, on constate une certaine détente chez les instits, comme si l’orage était passé – mais les nuages sont toujours là, gris foncé, au point que 49% se disent découragés, 41% résignés, 33% tristes. 88% des instits estiment que leurs conditions de travail se sont dégradées aux cours des dernières années (63% des français les suivent sur ce point).
La réussite des élèves au cœur des préoccupations enseignantes
Parmi les éléments qui motivent le plus les instits, les deux propositions qui sont très nettement en tête sont « la volonté de transmettre un savoir / la pédagogie » (citée par 59%) et la réussite des élèves (54%). Ces deux sources de motivation sont à la hausse (+2% et +5%), de même que le sentiment d’être utile à la société (cité par 35% des instits, +3%). Comme le souligne l’enquête, « les aspects plus personnels liés à la carrière n’émergent qu’au second plan » et sont à la baisse : la sécurité de l’emploi n’est citée comme source de motivation que par 19% des instits (-5%), le rythme de travail et l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle par 14% (-3%), les vacances par 10% (-2%). Dans les deux sens, l’écart s’est creusé depuis 2014, comme si les instits s’étaient recentrés sur le cœur de leur métier, leurs intérêts personnels passant plus encore au second plan.
Satisfactions et insatisfactions
Parmi les satisfactions relevées par l’enquête, c’est l’ambiance de travail qui arrive en tête, 77% (+4%) des instits se déclarant satisfaits. Viennent ensuite la diversité des contenus enseignés (73%, +5%), qui traduit l’attachement des instits à leur polyvalence, et la possibilité de répartir leur travail sur l’année, notamment sur les vacances (56%, quoiqu’en baisse de -9%, effet nouveaux rythmes sans doute), enfin la place du travail en équipe (51%, +3%).
Les relations avec les différents acteurs de l’école sont très bonnes d’une manière générale, avec une satisfaction en hausse : avec les collègues (91%, +4%), avec les élèves (91%, +1%), avec les parents (75%, +5%), avec l’inspection (54%, + 5%), mais les instits sont très majoritairement insatisfaits des relations avec le ministère (21%, mais +11%).
Du côté des insatisfactions, on ne sera pas surpris, c’est la formation et l’accompagnement qui cristallisent le plus d’avis négatifs (91%), devant la place des tâches administratives (88% d’insatisfaits), la charge de travail (80%), les perspectives de carrière (78%). La répartition du travail hebdomadaire (74% d’insatisfaits, +5%) et l’environnement de travail (espace et matériel disponible, 55% d’insatisfaits, +19%) sont en nette hausse, là aussi on pressent un effet nouveaux rythmes scolaires (disparition du mercredi pour étaler le travail hebdomadaire, occupation des classes sur les temps périscolaires).
Bien entendu, les salaires restent insatisfaisants pour 83% des instits, qui font de sa hausse leur première attente (69%) pour l’avenir.
L’APC largement renié, le travail en équipe plébiscité
Le temps d’APC (Activités Pédagogiques Complémentaires, le « soutien ») est très largement rejeté, dans ses modalités actuelles, par les instits (81% n’en sont pas satisfaits). Les instits lui reprochent d’être trop fatiguant pour les élèves en difficulté (81%, rappelons que ce temps s’ajoute aux 24 heures de classe hebdomadaire, souvent sur le temps de la pause méridienne), chronophage (84%), regrettent le déficit de formation sur ce sujet (72%) ; surtout les instits considèrent que d’autres solutions existent pour aider les élèves en difficulté : le travail du RASED (Réseaux d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté, spontanément cités par 50%), la présence d’un autre adulte dans la classe (33%), la réduction des effectifs (32%), notamment.
A contrario, le travail en équipe est plébiscité : 70% des instits le jugent indispensable, 55% estiment qu’il permet de trouver de meilleures solutions et 84% qu’il est source de soutien psychologique important. Mais 88% déplorent le manque de temps pour ce type de travail (et 81% voudraient travailler plus souvent en équipe).
Enfin, si l’inspection reste majoritairement un moment stressant (78%), une majorité d’instits estiment qu’il s’agit d’un moment constructif (53%) et valorisant (52%). Néanmoins, ils sont encore nombreux à trouver l’inspection frustrante (42%) et infantilisante (42%), et 55% ne la pensent pas formatrice. Très majoritairement, les instits souhaitent que les modalités de l’inspection changent (87%), que l’inspecteur soit davantage dans le conseil et moins dans le jugement (92%).
Disparités
On notera qu’il existe des disparités, au sein des 330.000 enseignants du premier degré. Les instits de maternelle, enseignant dans de petites écoles (moins de 3 classes), en zone rurale, les directeurs, sont globalement plus satisfaits de leurs conditions de travail et jugent plus positivement leur métier que les enseignants d’élémentaire, travaillant dans de grosses écoles, en agglomération. Les femmes sont également plus enclines à positiver que les hommes, de même que les jeunes entrant dans le métier comparativement à ceux enseignant depuis plus de vingt ans. Comme dans beaucoup de métiers, en somme.
L’enquête Harris Interactive, menée du 8 au 21 décembre 2015 auprès de 5555 personnes représentatives des enseignants dans le primaire public, est disponible ici, et la note de synthèse là. On pourra comparer avec l’enquête de l’année dernière, ici.
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