(Crédit Joel Saget / AFP)
Au beau milieu du très médiatique "débat" sur les notes, la parution du dernier Pisa à la loupe, consacré aux devoirs, est passée totalement inaperçue. Pourtant, le rapport comporte quelques données intéressantes et parfois inattendues.
De bonnes raisons de donner des devoirs
Comme les notes, les devoirs divisent jusqu’au corps enseignant. Le courant le plus en vogue se montre globalement contre les devoirs, jugeant qu’ils constituent un facteur d’inégalité entre les élèves. Si le rapport confirme cet état de fait, il rappelle en introduction que « les enseignants ont pourtant de très bonnes raisons de donner des devoirs après l’école, comme aider leurs élèves en difficulté à assimiler les éléments étudiés en classe, s’assurer que les élèves enregistrent ces éléments dans leur mémoire à long terme, ou encore offrir une possibilité de stimulation intellectuelle supplémentaire à leurs élèves les plus performants. »
Le temps consacré aux devoirs a diminué depuis 2003
En moyenne, les élèves travaillent à leurs devoirs 4,9 heures par semaine. Mais cette durée varie selon les pays : à Shanghai c’est 13,8 heures (!), en Russie, en Irlande, à Singapour, en Italie, c’est autour 7 heures hebdomadaires, alors que c’est moins de 3 heures en Corée ou en Finlande. Dans 31 des 38 pays intéressés, le temps consacré aux devoirs a diminué depuis 2003, puisque les élèves déclaraient y consacrer 6 heures hebdomadaires, cette année-là.
Les petits français se situent très légèrement au-dessus de la moyenne de l’OCDE (5,1 heures par semaine), mais le temps consacré aux devoirs varie sensiblement en fonction du milieu socio-économique. Depuis 2003, le temps dédié aux devoirs a davantage diminué qu'ailleurs, puisque les élèves français travaillent plus d’une heure et demie de moins en 2012.
Les élèves issus de milieu favorisé consacrent plus de temps aux devoirs
En moyenne, un élève issu d’un milieu favorisé consacre 1,6 heure de plus par semaine aux devoirs qu’un élève issu d’un milieu défavorisé, soit 5,7 heures contre 4,1.
Le rapport confirme ce que l'on sait, à savoir que « les élèves favorisés sont plus susceptibles que les élèves défavorisés de disposer d’un endroit adéquat pour étudier chez eux et d’avoir des parents impliqués, c’est-à-dire en mesure de leur transmettre des messages positifs sur l’école et l’importance de s’acquitter des tâches demandées par les enseignants, notamment de faire régulièrement ses devoirs ».
Le temps consacré aux devoirs varie aussi en fonction de l’établissement fréquenté. Globalement, les élèves d’établissements où l’effectif est majoritairement favorisé passent plus de temps sur leurs devoirs, les élèves scolarisés en milieu urbain également, les élèves inscrits dans l’enseignement privé aussi, les élèves de lycée davantage que ceux de collège.
Le temps accordé aux devoirs est donc à la fois un marqueur d’inégalité, qu’il met en évidence, et un facteur d’inégalité, en tant qu’il creuse l’écart de départ.
Une influence relative sur les performances
Il y a une corrélation entre les devoirs et les performances individuelles des élèves, dit le rapport, qui a mis en relation le temps passé à faire les devoirs en moyenne dans chaque pays et les performances des élèves au test PISA 2012 en mathématiques : « Les élèves qui consacrent davantage de temps aux devoirs obtiennent en général de meilleurs scores », en moyenne 4,8 points de plus (sur 500, mais les écarts sont assez faibles entre les pays, parfois moins d'un point).
La France fait partie des pays où la variation du score en fonction du temps consacré aux devoirs est parmi les plus importants, bien au-dessus de la moyenne de l’OCDE, puisqu'une heure de devoirs hebdomadaire en plus se traduit en France par une amélioration conséquente de 13,4 points. [Curiosité : au Monténégro, chaque heure de devoirs en plus se traduit par une baisse de 7 points !]
Cela dit, et c’est paradoxal, le rapport indique ailleurs qu’au-delà d’une moyenne nationale de 4 heures hebdomadaires, le temps supplémentaire consacré aux devoirs n’a qu’un influence négligeable sur les performances.
Autre paradoxe, ce qui vaut à l’échelle de l’individu ne vaut pas à celle du système éducatif : le rapport note ainsi que « le nombre moyen d’heures que les élèves consacrent aux devoirs ou autres leçons donnés par leurs enseignants ne présente en général aucun lien avec la performance des systèmes d’éducation dans leur ensemble. Par conséquent, ce sont d’autres facteurs, tels que la qualité de l’enseignement et le mode d’organisation des établissements, qui influent davantage sur la performance globale des systèmes d’éducation »
Aider les élèves défavorisés à faire leurs devoirs
S’il y a quelques paradoxes et plusieurs bémols à cette étude de l’OCDE (elle porte sur les élèves qui ont passé PISA, ceux de 15 ans, et ne dit donc rien sur les pratiques à l’école primaire ; elle ne dit rien non plus sur la nature des devoirs, se contentant d’en peser la quantité sans préciser leur place dans l’enseignement…), sa conclusion paraît tout à fait intéressante : « Les devoirs représentent une possibilité supplémentaire d’apprentissage ; toutefois, ils sont susceptibles de creuser les inégalités socio-économiques dans les résultats des élèves. Les établissements d’enseignement et les enseignants devraient trouver les moyens d’encourager les élèves en difficulté et défavorisés à faire leurs devoirs. Ils pourraient, par exemple, proposer d’aider les parents à motiver leurs enfants pour qu’ils fassent leurs devoirs et offrir aux élèves défavorisés la possibilité de faire leurs devoirs dans un endroit calme lorsqu’ils n’y ont pas accès à la maison. »
Maintenir les devoirs, tout en donnant aux élèves défavorisés les moyens de pouvoir les faire, notamment en établissant un partenariat avec leurs parents et en offrant un cadre propice au travail, voilà qui constitue une bonne piste de réflexion…
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