(Crédit AFP)
Ce mercredi 11 juin 2014, il y aura classe dans les écoles primaires de France, afin de rattraper une journée de classe non travaillée par les élèves... mais déjà travaillée par les instits !
Rattraper la Toussaint ou le lundi de la rentrée ?
Il y a quelques jours, j’ai trouvé dans le cahier de correspondance de mon fils le mot suivant : « Suite au rallongement des vacances de la Toussaint en 2013, il y aura école toute la journée le mercredi 11 juin 2014 ».
Et voici le mot distribué aux élèves de mon école (qui est dans une autre académie que celle de mon fils) : « Afin de rattraper la journée du lundi 2 septembre, il y aura classe toute la journée mercredi 11 juin 2014 ».
Un même jour de rattrapage pour deux raisons différentes, que l’on retrouve sur les sites de nombreuses communes. Ainsi on peut lire sur le site de la commune de Saulx : « Nous vous informons que le Recteur de l’Académie de Versailles a choisi de rattraper la journée du 31 octobre 2013 (vacances de la Toussaint) le mercredi 11 juin 2014 ». Et sur le site de la commune de Nogent-sur-Marne (dans la voisine académie de Créteil) : « Le mercredi 11 juin sera un jour travaillé dans les écoles maternelles et élémentaires de la ville, afin de rattraper la journée du 2 septembre dernier, la rentrée scolaire ayant eu lieu le mardi 3 septembre 2013 au lieu du lundi 2 ».
Bref, la cacophonie est totale, les inspections ne savent pas quel jour on rattrape, les recteurs se contredisent…
Et la bonne réponse est…
Il suffit pourtant de visiter le site officiel du ministère pour savoir (c'est ici, page 2) :
« En 2013 – 2014, il est prévu de rattraper la journée du lundi 2 septembre 2013, non scolarisé pour les élèves, afin de respecter les 36 semaines légales de cours. Conformément à l’arrêté du 28 novembre 2012, ce rattrapage est prévu pendant des semaines comportant seulement quatre jours de cours : une journée est rattrapée au mois de novembre et / ou au mois de juin.
- pour les élèves qui ont cours le mercredi matin : le mercredi 13 novembre 2013 après-midi et le mercredi 11 juin après-midi
- pour les élèves qui n’ont pas cours le mercredi matin : soit le mercredi 13 novembre 2013 toute la journée ; soit le mercredi 11 juin toute la journée ; le choix de cette date est arrêté par le Recteur d’Académie ».
Le plus étonnant est sans doute que des rectorats diffusent l’explication de la Toussaint alors que l’information avait été donnée dès la rentrée par le ministère (dans son dossier de rentrée le 29 août)… Bel exemple de dysfonctionnement administratif !
L’erreur vient vraisemblablement de ce qui s’est passé l’année dernière : en 2012 - 2013 en effet, les vacances de la Toussaint avaient été rallongées de deux jours, in extremis, par Vincent Peillon. Il avait fallu rattraper ces deux journées, la décision du ministre étant survenue tardivement – le calendrier était arrêté depuis belle lurette.
Mais depuis, l’allongement des vacances de la Toussaint est entré dans le calendrier. D’ailleurs, ce n’est pas une journée mais bien deux (comme l’année dernière) qu’il aurait fallu rattraper dans ce cas de figure.
… le lundi de la rentrée, déjà travaillé par les instits !
Ce mercredi, élèves et enseignants seront toute la journée au travail dans les classes. Normal, direz-vous ? Vrai pour les élèves, qui n’ont en effet pas travaillé ce fameux lundi 2 septembre. Mais les enseignants ont bel et bien travaillé ce jour-là, puisque c’était la journée de prérentrée, consacrée notamment aux réunions de préparation de l’année.
On demande donc aux instits de venir rattraper une journée qu’ils ont déjà travaillée, de travailler "une deuxième fois" le lundi 2 septembre, gratuitement cette fois-ci.
Bien sûr, je vois d’ici l’opprobre tomber sur ces-fainéants-qui-décidément-ne-sont-pas-prêts-à-remonter-le-niveau-dramatique-de-l’école-française-PISA-l’a-bien-montré-pfff-de-toute-façon-y-pensent-qu’à-leur-petit-confort-de-priviligiés-ceux-là-j’te-jure.
Alors posons la question autrement : quel salarié est prêt à offrir à son parton une journée de travail, comme ça, de venir travailler bénévolement, gratuitement ?
Bien sûr, il ne sert pas à grand-chose de s'émouvoir. Car bien sûr, nous serons dans nos classes, et nous travaillerons, comme chaque jour, à faire progresser nos élèves.
Vive les rythmes de l’enfant !
Cette semaine donc les enfants scolarisés en primaire, y compris les plus petits, auront quatre grosses journées chargées, sans coupure. Des conditions pas franchement idéales pour des apprentissages de qualité, mais peu importe. 24 heures de classe sur 4 jours d’affilée, alors qu’on a entendu pendant des mois que 24 heures de classes avec coupure du mercredi étaient néfastes. Dans un pays où l’on brandit à tour de bras l’argument des « rythmes de l’enfant » afin de justifier tout et son contraire, le planning de cette semaine ne manque décidément pas de sel…
C’est précisément afin d’éviter le grand bazar des demi-journées de rattrapage et les conséquences sur les élèves et les apprentissages que le ministère avait prévu d’avancer la rentrée scolaire pour les prochaines années.
Mais on se souvient qu’il y a quelques semaines, sur demande de syndicats du secondaire (où les demi-journées de rattrapage sont souvent banalisées…) Benoît Hamon avait reculé la rentrée afin qu’elle ait lieu en septembre et non pas en août, au grand dam des enseignants de primaire (lire ici). Conséquence : le ministre doit maintenant trouver dans le calendrier bien compliqué de l’année 2014 – 2015 deux demi-journées (vu que tout le monde en primaire travaillera le mercredi mati, plus possible de rattraper une journée d’un coup…) pour rattraper cette journée sacrifiée et, surtout, pour rattraper sa bourde.
Aux dernières nouvelles, il semblerait que la solution retenue soit un rattrapage non obligatoire…
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