Rythmes scolaires : un sondage instructif

@ Azam

Décidément, l’annonce par Vincent Peillon d’une réforme des rythmes scolaires dans le primaire aura suscité le débat. Un sondage IFOP, commandé par Ouest France et publié dimanche dernier, vient apporter un éclairage intéressant sur le sujet. Selon le sondage, 67 % des personnes interrogées sont favorables à la mise en place de la semaine de 4 jours ½. Une vraie grosse majorité, donc. En revanche, quand on consulte les parents d’élèves scolarisés en primaire, premiers concernés par la mesure, ils sont 55 % à exprimer leur désaccord avec la semaine de 4 ½ !

On voit combien les principaux intéressés expriment franchement l’inverse de ceux qui ne sont qu’indirectement concernés ! Il est vrai qu’il est facile de manifester une opinion qui n’est pas fondée sur du vécu sur un sujet qui concerne essentiellement les autres… On peut aussi comprendre cette nette adhésion de l’opinion publique au retour de la semaine de 4 jours ½ comme l’expression d’un espoir : que cette demi-journée supplémentaire apporte une plus-value aux élèves et à l’enseignement et hausse le niveau général, en baisse ces dernières années. A contrario, on peut penser que les changements au quotidien générés par le passage à 4 jours ½ effraient les familles directement impliquées : elles savent la lourdeur des bouleversements organisationnels et s’inquiètent certainement plus de la fatigue hebdomadaire de leur progéniture que ceux qui n’ont pas d’enfant en primaire…

Les réponses catégorielles sont également très instructives. Se prononcent largement en faveur de la semaine de 4 jours ½ : les professions intermédiaires (72 %), les professions libérales et cadres supérieurs (67 %), les habitants de l’agglomération parisienne (78 %), la gauche en général et les sympathisants PS en particulier (80 %).

Les taux d’adhésion les plus faibles se trouvent du côté des artisans et commerçants (53%) et des partisans de l’UMP (58 %).

Malheureusement, le sondage ne comportait pas de questions sur les motivations de l’adhésion ou non au projet, ni sur la préférence quant à la demi-journée ajoutée (mercredi ou samedi). C’est bien dommage, j’aurais bien aimé avoir des précisions sur ce qui fonde l’opinion des sondés.

- la forte adhésion à la semaine de 4 jours ½ exprimée par les professions intermédiaires, libérales et les cadres, particulièrement dans l’agglomération parisienne (à mon avis dans toutes les grandes villes), s’explique-t-elle par l’alignement du rythme scolaire avec celui du monde du travail ? Si comme pressenti le mercredi est la journée ajoutée, les rythmes des enfants et des parents coïncideraient et les citadins pourraient continuer à partir en weekend…

- à quel point la très nette adhésion à la semaine de 4 jours 1/2, chez le « peuple de gauche » et particulièrement chez les sympathisants du PS, témoigne-t-elle d’une sympathie politique au projet ? Premier thème phare du gouvernement de Hollande sur le devant de la scène, le projet comporte en outre une critique de l’action éducative sarkozyenne qui ne doit pas déplaire aux électeurs de gauche…

- inversement, l’adhésion nettement moins forte des partisans de l’UMP s’explique-t-elle en partie par le fait que le projet est étiqueté « de gauche », et qu’il est vu par certains comme la destruction d’une mesure de droite ?

- quant aux commerçants et artisans, leur relativement faible adhésion au projet trahit-elle la peur de voir leur activité diminuer avec un jour d’école en plus ?

 

Il ressort de ce sondage que chaque catégorie paraît considérer le projet de retour à la semaine de 4 jours et ½ en fonction de ses intérêts propres et de ses aspirations. Chacun voit midi à sa porte, ce quel que soit le degré d’implication directe dans le monde de l’école. On peut s’exprimer sur un sujet dont on ne connaît pas les tenants ni les aboutissants, uniquement au regard de ce qu’il change pour soi et non dans l’intérêt général, coller ou non à ses représentations, pas à la réalité.

Quant à l’instituteur, plutôt concerné par la question on en conviendra, détenteur d’une certaine expertise sur l’enseignement et les élèves, il se souvient légèrement amusé quoiqu’un peu agacé que, quand il s’exprime sur le sujet, il s’entend fréquemment rétorquer : « Oh ça va bien, les profs, ces corporatistes toujours à penser à eux avant de penser aux élèves »…

 

Note du 1er juin : intéressante interview de René Clarisse, spécialiste des rythmes, sur le site vousnousils.fr

Illustration Jacques Azam.

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