L’aurais-je faite dans ma classe sans instruction ministérielle, si toute mon école ne l’avait respectée ? Peut-être. De toute façon, quand je suis arrivé le matin pour prendre mon rang, il est immédiatement apparu que les enfants n’avaient que ça à la bouche : « Maître, on va faire la minute de silence ? ».
J’ai attendu qu’on soit dans la classe pour en parler. Après avoir donné le programme pour la journée, j’ai ajouté :
« … et à 11 h 00, comme toutes les classes de l’école, comme toutes les écoles de France, nous ferons une minute de silence. Vous savez tous qu’il y eu un drame, hier ? »
Certes oui, tous savaient, et manifestement le sujet avait été assez majoritairement abordé à la maison.
« Pourquoi une minute de silence, les enfants ? A quoi cela sert-il ?
- C’est pour rendre hommage à ceux qui ont été tués hier.
- Oui c’est ça, c’est pour qu’on ait tous ensemble, tous au même moment, une pensée pour ce qui s’est passé à Toulouse et pour les victimes.
- Mais pourquoi il a tué un enfant de 3 ans, maître ?
- … Vous savez, pour faire ce que cet homme a fait, il faut être fou. Et il est difficile de comprendre comment fonctionne un fou, pour nous qui ne le sommes pas. Il ne raisonne pas comme nous.
- Mais mon père dit que si on l’attrape, comme il est fou il n’ira pas en prison.
- Il y a plusieurs sortes de folie. Il y a la folie que les médecins peuvent identifier, et c’est vrai que dans ces cas-là, la personne est « irresponsable » : on juge qu’elle n’a pas conscience, qu’elle ne comprend pas ce qu’elle a fait. Mais ne vous inquiétez pas, on ne la relâche pas ! Elle est internée dans un hôpital psychiatrique dont elle ne peut sortir et où elle est soignée. Et puis il y a la folie de celui qui sait exactement ce qu’il fait, et lui sera jugé et emprisonné.
- Mais pourquoi on fait une minute de silence aujourd’hui, il y a des choses horribles et des morts tous les jours ?!
- Tu as raison. Vous savez il y a une dizaine d’année, dans une mairie, lors d’une réunion politique, un homme a tué plusieurs personnes et blessé de nombreuses autres. Le lendemain, dans toutes les mairies, il y a eu une minute de silence. Mais pas dans les écoles. S’il y a une minute de silence dans les écoles aujourd’hui, c’est que ce drame s’est déroulé dans une école. »
L’échange a duré encore quelques minutes, puis nous nous sommes mis au travail.
Ce mardi 20 mars 2012, à 11 h 00, nous avons respecté une minute de silence. Beaucoup d’élèves ont semblé vraiment absorbés par le moment, d’autres moins, deux ou trois ont réprimé un sourire de nervosité, comme souvent dans ces cas-là.
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