Alors qu’il doit dévoiler demain mardi 28 février son programme pour l’éducation, le candidat Sarkozy a lancé les premières banderilles ce matin sur RTL. Revenant sur le projet de création de 60 000 postes par son adversaire Hollande, il a notamment déclaré : "Ecoutez, les chiffres sont intéressants : il y a un peu plus de 400.000 élèves de moins dans l’Éducation nationale depuis dix ans, et il y a 45.000 professeurs de plus".
Le problème, c’est que ces chiffres sont faux, et pas qu’un peu. Très vite la déclaration crée le buzz sur le web, et dans l’après-midi les premiers blogs de fact-cheking démentent. Le « détecteur de mensonge » du JDD (« Education, Sarkozy n’a pas les bons chiffres »), les « décodeurs » du Monde (« Effectifs de l’éducation nationale, Sarkozy multiplie la réalité par trois »), et bien sûr le précurseur et culte « Désintox » de Libé (« Nicolas Sarkozy se prend les pieds dans les stats de l’éducation nationale »). Les chiffres corrects sont donnés : en 10 ans, on compte 149 000 élèves en plus, et 61 000 profs en moins.
Dans le courant de l’après-midi, l’équipe du candidat Sarkozy explique que « sa langue a fourché, il voulait dire depuis 20 ans et non pas depuis 10 ans », avançant de nouveaux chiffres ne correspondant d’ailleurs pas à ceux donnés par Sarkozy le matin, plutôt à ceux régulièrement avancés par le ministre Chatel et déjà dénoncés ailleurs.
… Bien sûr, Sarkozy sait ce qu’il fait avec cette déclaration sur RTL (audience majoritairement à droite), à cette heure-là de la journée : la session matinale est à la radio ce que le 20 h est à la télé. Parmi les millions d’auditeurs de RTL qui ont entendu cette fausse information, combien ne sont pas allés sur les blogs cités découvrir les vrais chiffres ? Combien étaient à l’écoute de RTL quand une mise au point est faite à 18 h 30 ? Beaucoup moins que le matin. Autrement dit, le mal est fait, et peu importe que la blogosphère et les réseaux sociaux s’emploient à rétablir la vérité.
Cette véritable stratégie de communication, couramment employée par le ministre Chatel, mais aussi par Guéant, peut se résumer ainsi : une annonce avec de faux chiffres lancée dans le tempo et sur un média dominant ne sera pas suffisamment contrariée et touchera là où ça fait mal. Peu importe la réalité, l’important est que ceux qui écoutent ou regardent n’y aient majoritairement pas accès.
Par ailleurs, Sarkozy, à travers sa déclaration, a montré deux choses :
1. En se trompant d’une décennie sur un thème éducatif aussi central, il prouve qu’il ne maîtrise pas franchement ces sujets.
2. En balançant des chiffres que tout acteur du terrain accompagnera d’un éclat de rire incrédule, il confirme qu’il ne parle pas au monde de l’éducation quand il parle d’éducation, mais à un frange d’électeurs déconnectée de l’école et prête à avaler toutes les couleuvres la concernant.
Bref, un beau condensé de politique politicienne : manipulation éhontée, mensonge, méconnaissance des dossiers, électoralisme…
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