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Cette fois-ci, il n’y a pas eu en salle des maîtres de longue discussion ou de débat houleux. Lorsque la grève d’aujourd’hui a été abordée, une grosse majorité des enseignants de l’école, 10 sur 14, ont très vite annoncé leur intention de débrayer : c’est 5 fois plus que lorsqu’il s’était agi, au printemps, de se battre pour nos salaires, pourtant parmi les plus faibles de tout l’OCDE. Plus étonnant encore dans une école plutôt conservatrice et frileuse en termes de mobilisation, il fut immédiatement proposé de se retrouver pour aller manifester.
Il faut dire qu’à la rentrée, notre école a perdu une classe, passant de 15 à 14. Comme 1499 autres écoles dans le pays… Et c’est seulement maintenant, au quotidien, que tout le monde mesure les conséquences : réorganisation complète de la structure pédagogique, multiplication de classes à double niveau, autres classes surchargées, déséquilibrées… C’est visible, il y a déjà beaucoup de fatigue et de tensions dans l’équipe (« quoi, alors qu’ils reviennent à peine de vacances ! », trolleront les ignorants).
L’une des instits de l’école qui ne fait pas grève tenait sa réunion de présentation de l’année avec les parents d’élèves vendredi soir. Arrivé le moment des questions, une mère lui a demandé si elle prévoyait de faire grève. Réponse négative de ma collègue. Tonnerre d’applaudissements des parents !... Rien de très étonnant dans un quartier favorisé et hostile aux grèves par principe et par conviction.
Mais quelle n’a pas été la surprise des parents en question lorsque ma collègue les a repris de volée ! Elle leur a dit qu’elle était totalement solidaire des autres enseignants de l’école, qu’elle-même ne faisait pas grève uniquement pour des questions financières, que les parents devaient bien se rendre compte qu’en vingt-cinq ans de carrière, elle n’avait vu quasiment que des grèves pédagogiques, c’est-à-dire concernant leurs chères têtes blondes, et qu’à chaque fois les enseignants sacrifiaient une journée de salaire pour aller se battre pour leur progéniture et accessoirement l’avenir de ce pays…
Tout de même, quelle incroyable image des grèves de l’Education Nationale… Quand tous les indicateurs montrent que les enseignants ont raison d’exprimer leur désapprobation vis-à-vis de ce qui se fait en ce moment…
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Cela m’a donné l’idée, lorsque je faisais écrire à mes élèves le mot destiné à prévenir les parents de mon intention de faire grève, de leur demander : « Qu’est-ce qu’une grève, les enfants ? ». Je n’ai pas été déçu.
« Une grève, c’est un jour de repos ! »
« Une grève, c’est quand on travaille pas ! »
« Une grève, c’est un jour où on peut rester à la maison »
« Une grève, c’est quand vous avez quelque chose à faire »
« Une grève, c’est un jour férié, un peu comme la fête du muguet ! »
« Une grève, c’est quand un prof a beaucoup de choses à faire, il peut pas faire de travail avec ses élèves »
« Une grève, c’est quelque chose d’important »
« Une grève, c’est plusieurs personnes qui ont des avis, qui ne sont pas d’accord, ils défilent dans la rue pour dire qu’ils ne sont pas d’accord »
« Une grève, c’est quand on fait une manif pour dire faut pas faire ceci, cela »
« Une grève, c’est quand on a plein d’avis sur quelque chose ; en ce moment je crois qu’il n’y a pas assez de profs, alors vous allez discuter de ce que vous pouvez faire pour vous arranger »
« Une grève, c’est un jour où les boutiques sont pas ouvertes »
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