Garde à vue version 2011, mode d'emploi

Après l'effet d'annonce, chacun a pu décortiquer l'avant projet de loi soumis par Michèle Alliot-Marie au Conseil d'Etat.

Première constation: les dix pages en question ne traitent que de la garde à vue. Renvoyé à plus tard ou à jamais le devenir du juge d'instruction.

Le premier article proposé par le Garde des Sceaux instaure "l'audition libre". Cette dernière ne concerne que les personnes supectées d'avoir commis une infraction. Pour le ministère de la justice, il s'agit là de faire baisser les statistiques et d'éviter le recours systématique de la police à la garde à vue dans des dossiers qui ne le justifient pas.  Mais les avocats, barreau de Paris en tête, relèvent à juste titre le flou juridique de cette audition libre. Pas de limite de temps et aucune assistance au justiciable.

Michèle Alliot-Marie met en avant que la garde à vue ne concernera désormais que les personnes encourant une peine de prison. Les magistrats répliquent que "les délits non punis d'emprisonnement sont très peu nombreux et que le recours à la garde à vue est dans ce cas très rarissime".

Le nouveau texte prévoit que le gardé à vue soit informé par l'officier de police judiciaire de son droit  "de faire une déclaration, de répondre aux questions ou de se taire". Cette dernière alternative avait disparu des textes avec la loi Perben 1 en 2002.

Autre avancée à saluer, le fait qu'il soit écrit noir sur blanc l'interdiction de fouilles à corps intégrales. Nombreuses témoignages évoquaient d'abord les humiliations physiques et corporelles vécues dans des commissariats. 

C'est evidemment la présence de l'avocat qui est la pierre centrale de la polémique. Les robes noires le réclament, le conseil constitutionnel les soutient et les policiers n'en veulent pas. le texte prévoit que l"a personne gardée à vue peut demander que l'avocat assiste aux auditions dont elle fait l'objet au cours de la mesure de celle ci". C'est reconnaissons-le, une avancée. Mais le droit pénal est souvent comme un jeu de l'oie. On avance de 4 pas pour reculer de 3. Car il y a un mais. L'officier de police judiciaire peut s'y opposer, au nom des "nécessités de l'enquête". Une notion que les avocats trouvent bien vague. Dans ce cas, l'avocat ne rejoindra son client qu'à la douzième heure.

Le Syndicat de la Magistrature note que le rôle de l'avocat, même présent, s'apparente à une "potiche" puisqu'il ne pourra ni consulter le dossier, ni poser de questions, ni intervenir dans l'interrogatoire. En même temps, peut-on encore parler de garde à vue pour un interrogatoire qui se fait à trois voix, dont celle prépondérante de la défense....?

Derrière les questions de fond que pose cet avant projet de loi, les avocats qui notent l'avancée sur le plan des principes, ne cachent pas leur inquiétude. Assister le prévenu ou l'accusé  dès le début de l'enquête, ils le demandent majoritairement depuis des années. Ils savent pourtant qu'ils perdent là un argument fort de leur plaidoirie où il est de bon ton de mettre en cause les méthodes policières. Ensuite, il y a la question de la faisabilité. Facile à mettre en oeuvre dans des barreaux importants, la tache  parait moins évidente dans certaines villes de province. Sans compter le financement d'une telle procédure. La plupart des avocats interviendra comme commis d'office et de nombreux justiciables feront appel à l'aide juridictionnelle.

Comme souvent en matière judiciaire, derrière le droit, se cache le budget.