De la difficulté de juger les "fous"

 

 

 Un procès qui ne veut pas dire son nom. Mercredi après midi, devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, une audience assez particulière va se tenir.

 

Cette juridiction est quotidiennement amenée à se prononcer sur des questions de procédure. Régulièrement, elle est saisie par une des parties en présence suite à un renvoi devant les assises ou après un non lieu.

 

C’est le problème qui se pose dans l’affaire évoquée mercredi. Un cas un peu particulier.

 

Un jeune homme accusé d’un meurtre sur un de ses amis disc-jockey en novembre 2003 a bénéficié d’un non lieu de la part du juge d’instruction. Raison invoquée : le jeune homme a été déclaré irresponsable pénalement après des expertises psychiatriques.

 

Une décision de justice que n’admettent pas les parents de la victime. Ils s’appuient entre autres sur un des éléments du dossier d’instruction. Après avoir commis son acte criminel, le jeune homme se serait retranché dans l’appartement de sa mère en revendiquant son crime par ses mots : «  J’ai tué un juif ! J’irais au paradis. » Pour ses proches, le disc-jockey aurait été victime d’un acte d’un antisémite et non d’un « fou ».

 

Mercredi, l’audience, en principe publique, va donc tourner autour de l’état mental de l’accusé. Plus que jamais, ce procès qui n’en ai pas un officiellement, va se résumer à une bataille d’experts.

 

A l’issue de cette audience, les magistrats mettront leur décision en délibéré. Trois possibilités s’ouvrent à eux. D’abord, ils peuvent demander des expertises. Mais ce dossier date de 2003 et l’on peut supposer qu'il est assez complet. Ensuite ils peuvent considérer l’accusé comme pénalement responsable. Ce dernier sera alors jugé par une cour d’assises. Cour d'assises qui pourra également déclarée l'accusé pénalement irresponsable. Enfin ils peuvent confirmer le non lieu. Ils pourront appliquer une disposition nouvelle de la loi Dati de février 2008. Ils rendront un arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Les parties civiles pourront ensuite se tourner vers une autre juridiction pour qu’elle se prononce sur la responsabilité civile de « l’auteur des faits ».

 

En novembre 2007, nous avions assisté à une audience similaire. La même question se posait à propos de l’acte commis sur deux infirmières par Romain Dupuy à l’hôpital de Pau. L’audience publique nous avait permis d’apprécier le cas clinique que représentait l’accusé. Sous une apparence calme, le jeune homme tenait un discours totalement incohérent dont l’univers n’était rempli que d’hallucinations et de monstres rampants. Tout le monde étaitconvaincu d'être face à un malade. Seules les familles des victimes, et c'est bien compréhensible, ont eu du mal à faire ce cheminement.

 

Cette audience était une application avant l’heure du texte que Rachida Dati a fait voter par le Parlement trois mois plus tard. Romain Dupuy a bénéficié d’un non lieu psychiatrique. Il est aujourd’hui interné.

 

Depuis l'entrée en vigueur de la loi, 43 déclarations d'irresponsabilité pénale ont été prononcées. 22 l'ont été par une chambre de l'instruction.

 

Emprisonnement ou internement, c’est la question qui se pose à nouveau mercredi aux magistrats.