A force de prêter attention aux vacances de M. Macron ou aux attentats divers, on en oublierait presque de garder un oeil sur l'essentiel, comme cette situation dramatique qui se déroule sur l’île d’Oléron : un propriétaire (citadin, à vue de nez) de résidence secondaire sur l'île vient de découvrir 1/ que sa voisine était l'heureuse maîtresse d'un coq prénommé Maurice 2/ que ledit coq avait l'originale coutume de chanter de façon quotidienne et matinale. Le voisin grincheux semble donc envisager de saisir le tribunal pour faire cesser le trouble causé par l'insolent gallinacé.
Il relève, il est vrai, du droit le plus strict de chacun de saisir le tribunal d’instance localement compétent en vue de voir cesser un trouble anormal du voisinage - et force est de constater que les voisins constituent une espèce de nuisible particulièrement imaginative lorsqu'ils s'y mettent, ainsi que l'examen de la jurisprudence en la matière vous le démontrera (ou mieux encore, le simple fait d'assister à une audience de votre tribunal d'instance. Il y en a à chaque fois, allez-y de ma part, vous verrez.). Ainsi la construction d’un bâtiment privant la propriété du voisin de tout ensoleillement, l’exploitation d’une carrière d’argile modifiant l’environnement ou l’installation d’une porcherie industrielle ont-elles pu être considérées comme des troubles anormaux du voisinage.
Mais un coq qui chante le matin, sur l’île d’Oléron, constitue-t-il un trouble anormal du voisinage ?
Le juge qui sera saisi de ce cas épineux devra apprécier la situation en se fondant sur les circonstances de temps et de lieu de survenance du trouble allégué. Ainsi, un poulailler dans le Massif central n’a pas été considéré comme constitutif d'un tel trouble (alors que le même poulailler situé dans un appartement parisien pourrait engager la responsabilité de son propriétaire).
On ne peut toutefois dégager de la jurisprudence une règle générale et absolue concernant les nuisances sonores volaillères puisque les propriétaires d'un coq (décidément, le gallinacé est grand pourvoyeur d'activité judiciaire) ont été condamnés à faire cesser le trouble résultant de ses chants matinaux, alors même qu’ils habitaient un village de 876 habitants en milieu rural. La Cour d’appel de Dijon, saisie de leur dossier, a ainsi retenu « qu’il résulte qu'à des heures matinales, réservées d'ordinaire à un repos bien mérité, le volatile (…) coquerique toutes les dix ou vingt secondes avec une régularité, une vaillance et une persévérance qui seraient dignes d'admiration en toute autre circonstance ».
Autrement dit, la solution de ce litige dépendra, au-delà du caractère rural de l’île d’Oléron, des capacités réelles de nuisance du coqueriquage de la bestiole en cause (et des besoins de "repos bien mérité" de son voisin).
Et moi, j'aurai appris un joli nouveau (enfin, ancien) verbe grâce à mes collègues capables de conjuguer "coqueriquer" dans une décision judiciaire.