Attention, le petit oiseau audomarois est sorti !

Soulagement de voir enfin se profiler la saison du soleil (bien que le mois de juin se fut finalement révélé pour le moins aqueux), désir de saluer l’arrivée imminente de l’été ou intolérance aux fortes chaleurs observables dans le Nord (entendre donc "fortes" selon l’échelle locale des valeurs météorologiques, évidemment) ? Quels qu’aient été ses motifs, un homme a été placé en garde à vue, le 28 juin dernier, pour exhibitionnisme : il avait été vu, dans le courant du mois de mai, se promenant dans les rues de Saint Omer de la façon à priori la plus anodine, si l’on excepte son sexe qui dépassait de ses vêtements.

A première vue, le comportement de cet homme peu frileux relèverait de l’article 222-32 du code pénal qui réprime "l'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public" d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende.

Une question peut néanmoins se poser, aucune attitude obscène ou lubrique (de type manipulatoire, par exemple) n’ayant été évoquée au sujet de l’individu au-delà de la volonté de faire profiter les passants de la vue de son anatomie : l’exhibition de la seule nudité (totale ou partielle), sans aucun geste équivoque, relève-t-elle de la loi pénale ?

Cet épineux sujet a évidemment connu une certaine évolution au fil du temps, accompagnant celle des mœurs et de la pudeur.

Il est ainsi actuellement considéré par la jurisprudence qu'il ne peut y avoir d’exhibition sexuelle au sens pénal du terme lorsqu'une femme se montre seins nus sur une plage voire, bien plus récemment, en milieu urbain, trois membres des Femen ayant en mars dernier été relaxées par le tribunal correctionnel de Lille pour avoir manifesté en tenue de combat hors contexte balnéaire. Les pratiquants du naturisme peuvent de même s'y adonner dans les lieux réservés à cet effet sans que les tribunaux ne froncent le sourcil (l'adjudant Cruchot et ses collègues veillant normalement au respect des frontières fixées).

Concernant les personnes désireuses d'éblouir le tout-Paris (ou le tout-Oyonnax, pas de parisianocentrisme) de leur anatomie, ou plus précisément de leurs organes génitaux externes, la position des juridictions pénales s'avère moins uniforme. Il a pu ainsi être retenu que  "la simple nudité d'un individu sans attitude provocante ou obscène ne suffit pas à constituer le délit d'outrage public à la pudeur", à propos d’un homme qui s’était dénudé pour plonger dans un port et auquel seul le procureur de la République local, manifestement, avait tenu rigueur de l'oubli de son maillot de bain.

Mais il a tout aussi bien été jugé que "le seul fait de se montrer en état de nudité complète constitue un acte d'exhibitionnisme sexuel, indépendamment de toute intention lubrique ou provocatrice ; qu'en effet, les règles sociales et morales interdisent de montrer certaines parties du corps telles que les parties génitales". Si les juridictions du fond semblent avoir une interprétation variable du texte pénal, la Cour de cassation semble avertir les justiciables d'avoir froid aux yeux, mais surtout au reste.

Attendons donc de voir de quel côté penchera la balance audomaroise qui jugera peut-être, ou peut-être pas, que ce serait du vice de marcher tout nu dans les avenues, en 2016 comme en 1970. A titre personnel, je vous souhaite de bonnes vacances - et restez couverts !