Aujourd’hui s’est tenu à Paris le procès de M. Vincent Debraize, maire d’une petite commune de l’Eure, soupçonné de s’être comporté de façon violente envers Mme Nathalie Kosciusko-Morizet durant la campagne électorale des législatives de juin 2017.
Rappelons les faits : le 15 juin dernier, alors que Mme Kosciusko-Morizet distribuait des tracts sur un marché parisien place Maubert, une altercation avec un individu non identifié dans un premier temps s’est produite, s’achevant par la chute à terre et la perte de connaissance de la candidate LR.
M. Debraize a rapidement été interpellé après avoir pris la fuite, placé en garde à vue puis poursuivi devant le Tribunal correctionnel pour des faits de violences volontaires (ayant entraîné deux jours d’ITT) et d’outrage à personne chargée d’une mission de service public.
J’indique d’ores et déjà que n’ayant pas personnellement assisté à l’audience publique, je ne peux fonder mon appréciation que sur les seules informations parues dans la presse.
Il me paraît toutefois intéressant de réfléchir à la notion de violences en droit français, compte tenu notamment du positionnement du prévenu.
En effet, dans le cadre de cette procédure, deux positions s’opposent : la première résultant des déclarations de la candidate et de témoins (qui font semble-t-il partie de son équipe de campagne), selon laquelle M. Debraize aurait lancé une insulte (« bobo de merde ») puis donné une gifle à Mme Kosciusko-Morizet avant de lui porter un coup au thorax. La seconde correspond à la ligne de défense de M. Debraize, qui conteste avoir proféré la moindre insulte (admettant seulement un « bobo de droite » auquel la candidate aurait répondu d’un « dégage connard » réitéré) ni donné le moindre coup à la plaignante au visage comme au thorax, assurant avoir seulement jeté les tracts au sol tandis que celle-ci reculait puis tombait au sol. M. Debraize indique avoir été immédiatement agressé par l’entourage de Mme Kosciusko-Morizet et s’être enfui pour cette raison, sans même avoir la présence d’esprit de s’inquiéter de la chute de la jeune femme du fait de l’attitude hostile voire violente des militants LR à son encontre.
Au-delà des divergences fondamentales présentes dans leurs récits respectifs, on peut mentionner ici que l’infraction de violences volontaires peut au demeurant se trouver caractérisée même en l’absence de coup porté par l’auteur. S’il est évident qu’une personne qui en frappe une autre commette des violences, la Cour de cassation considère depuis longtemps que le fait d’adopter une attitude menaçante de nature à impressionner un sujet est de nature à constituer l’infraction de violences : « En visant les violences et voies de fait exercées volontairement, le législateur a entendu réprimer notamment celles qui, sans atteindre matériellement la personne, sont cependant de nature à provoquer une sérieuse émotion »
Ainsi, même si M. Debraize n’avait porté aucun coup à Mme Kosciusko Morizet, la qualification de violences ne s’en trouverait pas nécessairement écartée. Sa main tenant une poignée de tracts, levée de façon menaçante vers le visage de la plaignante dans la position immortalisée par le photographe de l’AFP présent sur les lieux, pourrait être considérée comme constitutive du délit poursuivi selon les circonstances retenues. Car il s’agit bien d’un délit, le Parquet ayant estimé que c’était bien en sa qualité d’élue (donc chargée d’une mission de service public) que Mme Kosciusko-Morizet aurait été visée par les actes du prévenu. La défense de M. Debraize a néanmoins contesté ce point, jugeant qu’il s’agissait là d’une correctionnalisation artificielle d’un dossier qui aurait dû relever du tribunal de police si la contravention de violences volontaires avec ITT inférieure à huit jours avait été retenue. Les conseils de M. Debraize ont à cet effet souligné que les textes d’incrimination prévoient que les faits doivent avoir été commis à l’encontre de la victime dans ou à l’occasion de l’exercice des fonctions (correspondant à la mission de service public), ce qui ne pourrait correspondre à une opération de campagne sur un marché précisément diligentée dans le but d’obtenir un mandat électif.
Le Procureur de la République a pour sa part estimé les deux délits caractérisés et requis une peine de quatre mois d’emprisonnement et une amende de 1500 euros à l’encontre de M. Debraize, dont les deux avocats ont plaidé la relaxe.
Le Tribunal correctionnel a mis sa décision en délibéré au 7 septembre 2017. Il devra trancher plusieurs questions de fait et de droit : notamment, dire si la matérialité des paroles et gestes reprochés par Mme Kosciusko-Morizet à M. Debraize lui paraît établie (en tout ou partie) et si la circonstance liée à la qualité de personne chargée d’une mission de service public doit être retenue (dans la négative, les violences deviendraient contraventionnelles et l’outrage ne pourrait être caractérisé).