L'attaque des clowns

Depuis quelques jours, une vague d’appréhension semble s’être emparée de la France dans son ensemble, des rues de paisibles villages aux journaux télévisés, à propos du phénomène des « clowns agressifs ».

Le clown du téléfilm inspiré du roman de Stephen King, "Ça".

Cette mode surprenante semble avoir pris naissance aux Etats Unis avant de toucher récemment la France, puisque le 10 octobre dernier, un jeune homme déguisé et armé d’un couteau en plastique a poursuivi des passants dans le centre ville de Périgueux. Des faits similaires, parfois plus graves (on a rapporté le cas d’un clown armé d’une tronçonneuse) ont également été signalés dans le Pas de Calais, en Moselle, dans l’Hérault ou dans la Somme.

Concrètement, que risquent aujourd’hui (ou plutôt demain, le 31 octobre se prêtant aisément aux déambulations en costume) ces clowns dont le comportement va de la simple apparition dans les lieux publics à l’agression caractérisée ?

On peut d’emblée rappeler que selon les dispositions légales chères à Mme Morano, « Nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage ». Or les déguisements et masques arborés par les « evil clowns » valent fréquemment un niqab sur ce plan.

Mais au-delà de cette simple contravention, c’est surtout l’infraction de violences, prévue par les articles 222-7 et suivants du code pénal, qui peut être reprochée aux clowns qui se montreraient agressifs, nonobstant le prétexte de la farce. En effet, pour être constituée, l’infraction de violences ne suppose pas nécessairement un contact entre l’agresseur et la victime, puisqu’il suffit selon la jurisprudence que les violences qui n’auraient pas matériellement atteint la victime aient entraîné chez celle-ci un choc émotionnel.

Les juridictions pénales ont ainsi condamné du chef de violences volontaires plusieurs hommes qui s’étaient rendus un soir dans une fête organisée dans un centre aéré, étaient descendus de leur véhicule et avaient entouré une personne qui a été impressionnée.

De même, un automobiliste qui avait poursuivi une conductrice, l’avait dépassée, contrainte à s’arrêter et à descendre de voiture avant de s’approcher d’elle muni d’une barre de fer a vu ses actes qualifiés de violences volontaires, dans la mesure où ils étaient de nature à impressionner vivement la victime et à lui causer un choc émotif.

Il est donc parfaitement évident qu’une personne déguisée en clown qui s’approcherait de façon menaçante d’un tiers de façon à l’impressionner pourrait être condamnée pour violences volontaires.

On peut par ailleurs rappeler que le code pénal sanctionne ce délit en fonction de deux facteurs : les circonstances aggravantes et le résultat des violences.

Les circonstances aggravantes du délit de violences volontaires sont très nombreuses et touchent à la nature de l’auteur, de la victime, ou aux modalités de commission des faits. Ainsi l’infraction sera plus sévèrement punie lorsque la victime sera un mineur de moins de quinze ans, une personne d’une particulière vulnérabilité, ou l’ascendant de l’auteur, lorsque l’auteur sera le conjoint ou le concubin de la victime, le père ou la mère de la victime âgée de moins de quinze ans, ou enfin lorsque les violences auront été commises par plusieurs personnes (en réunion), avec préméditation ou avec une arme.

La peine qui pourra être prononcée par le tribunal dépendra également du résultat de l’infraction, pouvant aller d’une simple amende contraventionnelle pour des violences sans incapacité de travail ni circonstance aggravante, à la peine de vingt ans de réclusion criminelle pour des violences ayant entraîné la mort avec menace ou usage d’une arme.

Ainsi, le clown qui aura impressionné une personne sans lui causer de dommages particuliers pourra être poursuivi devant le tribunal de police et sanctionné par une amende allant jusqu’à 750 €.

En revanche, un clown armé d’une arme (même fausse, mais qu’une victime aura pu croire authentique) qui amènerait, en la poursuivant, une personne à trébucher, percuter violemment un trottoir et décéder par la suite relèverait de la cour d’assises et encourrait jusqu’à 30 ans de réclusion criminelle.

Rappelons enfin que le motif de plaisanterie avancé par les clowns pour justifier leur comportement ne peut nullement les exonérer : en aucun cas en droit pénal, le mobile n’est juridiquement une circonstance permettant d’écarter la responsabilité de l’auteur.

Bref, choisissez soigneusement votre costume d’Halloween, demain soir : ce serait trop bête de passer la soirée au poste pour avoir trop soigné son maquillage (et ses accessoires), non ?