"La polémique", "l'acharnement médiatique", volonté de "tuer médiatiquement" : M. Hanouna, ses collaborateurs et ses fanzouzes n'y vont pas de main morte lorsqu'il s'agit d'évoquer le mouvement de désapprobation qui a suivi, sur les réseaux sociaux et auprès du CSA, la diffusion de son dernier canular téléphonique tendant à piéger des hommes homosexuels, sans grand souci des répercussions qu'une telle séquence pourrait entraîner pour les "piégés".
Un bref rappel des faits pour ceux qui auraient passé les derniers jours dans l'ISS. Jeudi 18 mai 2017, lors d'une émission en prime-time de "Touche pas à mon poste", l’animateur s’est fait passer pour bisexuel dans une petite annonce passée sur un site spécialisé, se décrivant comme un homme recherchant des rencontres sans tabou : « Bonjour, je me présente : Jean-José, 1m85, très sportif et super bien monté, cherche relation courte ou longue selon le feeling. Bisexuel. Je vous invite à déjeuner et qui sait, peut-être qu’après je vous dégusterai. Je suis joignable au XX.XX.XX.XX.XX après 22h. PS : j’aime qu’on m’insulte ». Rien de bien particulier ni de répréhensible en soi, jusqu’à ce que M. Hanouna se mette en devoir de diffuser en direct les appels téléphoniques de plusieurs hommes répondant à ladite annonce et d'échanger avec ces derniers, voix de fausset et allusions salaces à l'appui, sous les éclats de rire encourageants de son public.
En matière d'Hanouneries comme d'humour, à chacun ses goûts. La séquence concernée a manifestement divisé ceux qui s'y sont penchés en deux camps : ceux qui l'ont trouvée drôle et ceux qui ont ressenti un malaise conséquent en voyant M. Hanouna, son équipe et leur public se moquer de quelques personnes à la recherche d'un profil compatible sur un site de rencontres.
Sur le plan juridique, en revanche, pas trop d'hésitation à avoir pour qualifier ces faits sur la base desquels certaines associations ont d'ores et déjà fait part de leur intention de déposer plainte. Au-delà en effet d’éventuelles sanctions que pourrait être amené à prononcer le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), l’attitude de l’animateur peut parfaitement relever de poursuites pénales.
L’article 226-1 du code pénal précise qu' « Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui 1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ».
Dans la mesure ou l’objectif du « canular » était précisément de piéger des homosexuels en captant et retransmettant à la télévision des conversations manifestement destinées à demeurer privées, l’infraction d’atteinte à la vie privée semble à l'évidence constituée.
Pire encore : si l’on s’attache à la nature des propos échangés, de nature manifestement sexuelle (l’un des interlocuteurs piégés proposant, par exemple, de frotter son sexe contre celui de l’animateur), la peine encourue se trouve portée à deux ans d’emprisonnement et 60.000 € d’amende en application de l’article 226-2-1 du code pénal.
Le fait que les personnes piégées par M. Hanouna soient restées anonymes ne saurait être retenu, l'une d'entre elles ayant à son insu donné son nom et son prénom à l'antenne. Pour les autres, l'absence de brouillage de leur voix, la mention de caractéristiques particulières (leur profession, par exemple) a rendu leur identification par leurs proches ou collègues tout à fait possible.
Il est donc envisageable qu'au-delà des hypothétiques sanctions du CSA (qui serait saisi à ce jour de 20000 plaintes liées à cette émission télévisée) et des retombées commerciales négatives que constitue le retrait de plusieurs annonceurs des espaces de publicité de TPMP, M. Hanouna soit poursuivi devant le tribunal correctionnel pour les infractions précitées sur plainte préalable des victimes de sa farce (**). Ce qui lui éviterait peut-être, à l'avenir, de se lancer de nouveau dans ce type de canular "rassrah de rassrah" (*).
(*) Laissez, j'ai toujours rêvé de pouvoir citer M. Dupont-Aignan dans le texte.
(**) Merci @BetterCallYoda de m'avoir rappelé ce point fondamental.