En mai 2014, trois personnes ont été interpellées à proximité d’un supermarché après avoir récupéré dans son enceinte des denrées alimentaires dont le magasin s’était débarrassé. Poursuivis pour vol aggravé, les intéressés ont comparu, le 3 février dernier, devant le tribunal correctionnel de Montpellier qui les a reconnus coupables, mais a prononcé à leur égard une dispense de peine.
Les poubelles dans lesquelles étaient stockés les produits récupérés ayant été placées dans une cour intérieure fermée, les trois prévenus encouraient devant le tribunal une peine maximale de 7 ans d’emprisonnement, s’agissant d’un vol en réunion commis dans une propriété privée (article 311-4 du code pénal).
Afin d’écarter leur responsabilité, les prévenus mettaient en avant l’état de nécessité, prévu par l’article 122-7 du code pénal : « N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ».
Cette disposition permet d’écarter toute responsabilité pénale en démontrant l’existence d’un danger qui a rendu "nécessaire" l'infraction commise.
Le concept d’état de nécessité a notamment pris son essor durant les périodes de froid extrême qui ont touché la France au cours des années 50, qui avaient vu des personnes mal logées commettre un certain nombre d’infractions telles que l’occupation illégale de locaux vacants ou l’aménagement d’habitation en dehors de toute autorisation administrative, en contradiction avec les règles de l’urbanisme.
Un tribunal correctionnel avait ainsi relaxé, en 1956, un père de famille qui avait procédé à une construction sans autorisation, précisant qu’ « en l'état de ces circonstances de fait, la construction entreprise par le prévenu lui est imposée par la nécessité absolue de loger sa famille de façon décente et salubre ; que cet état de nécessité constitue un fait justificatif en raison duquel il ne peut lui être fait grief d'avoir omis de se conformer en l'espèce aux prescriptions de la loi ».
C’est certainement dans la droite ligne de cette jurisprudence que l’état de nécessité a été invoqué devant le tribunal correctionnel de Montpellier, les prévenus arguant de leur situation d’extrême précarité.
Si cet argument n’a pas été retenu par le tribunal, la condamnation prononcée sous la qualification de vol aggravé me laisse perplexe.
En effet, selon le code pénal, « le vol est la soustraction de la chose d’autrui ». Or s’agissant de denrées alimentaires jetées dans des poubelles, la jurisprudence considère de façon constante que les biens ainsi abandonnés ne peuvent dès lors plus faire l’objet d’un vol.
En l’occurrence, la qualification de vol semble avoir été retenue du fait de la localisation des poubelles à l’intérieur d’une cour intérieure fermée. On peut toutefois considérer que des poursuites pour violation de domicile prévu par l’article 226-4 du code pénal auraient été plus orthodoxes, si toutefois le Ministère public, qui disposait de toute latitude en la matière, avait évidemment estimé nécessaire de poursuivre. En l’occurrence, si les faits commis étaient pénalement qualifiables, leur commission était humainement compréhensible. Et la dispense de peine prononcée par le tribunal signifie clairement qu’un classement sans suite aurait pu être envisagé.