J’avais déjà eu l'occasion d'évoquer ici l'enquête initiée à l'encontre de M. Denis Baupin, mis en cause par plusieurs plaignantes pour des faits d’agressions sexuelles et de harcèlement moral. A l’issue des investigations, le Procureur de la République de Paris a aujourd'hui publié un communiqué indiquant que l’affaire était classée sans suite du fait de la prescription de l'action publique, les faits dénoncés étant trop anciens pour fonder des poursuites pénales.
Ce communiqué précise toutefois que « il apparaît que les faits dénoncés, aux termes de déclarations mesurées, constantes et corroborées par des témoignages, sont pour certains d’entre eux susceptibles d’être qualifiés pénalement. »
Ce classement met-il un point final à ce dossier ?
Les plaignantes peuvent tout d'abord avoir un avis différent de celui du Parquet et considérer que les infractions qui auraient été commises à leur encontre ne sont pas prescrites. Deux voies leur sont ouvertes : soit déposer un recours devant le Procureur général près la Cour d'appel afin qu’il revienne sur la décision de classement sans suite, soit saisir directement un juge d’instruction d’une plainte avec constitution de partie civile.
Elles peuvent également engager une procédure civile pour demander la condamnation de M. Baupin au versement de dommages et intérêts, la prescription civile étant fixée à cinq ans (tandis qu'elle était de trois ans en matière pénale, jusqu'à ces derniers jours encore).
Concernant M. Baupin, outre les plaintes avec constitution de partie civile qu'il indique avoir d'ores et déjà engagées du chef de diffamation, son avocat précise dans son propre communiqué de presse qu’il « entend prendre toutes les mesures qui sont à disposition pour que la vérité soit dite, y compris au moyen de plaintes pour dénonciations calomnieuses ».
Le délit de dénonciation calomnieuse est prévu par l’article 226-10 du code pénal qui la définit comme suit : « La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. »
Ce texte ajoute que « La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée. »
En l’occurrence, s’agissant d’une décision de classement sans suite du Parquet, le caractère mensonger des dénonciations n’est pas "nécessairement" établi, nonobstant la satisfaction exprimée à trois reprises dans son communiqué par M. Baupin. Par surcroît, cette décision de classement se fondant explicitement sur la prescription, et non sur l’insuffisance de faits permettant de caractériser les infractions reprochées à M. Baupin, il n’est nullement évident qu’une telle procédure aboutisse. Il appartiendrait au Tribunal saisi d’apprécier la pertinence des faits dénoncés, et de constater ou non l’existence d’une dénonciation calomnieuse.
En tout état de cause, cette décision de classement sans suite ne peut en aucun cas être assimilée à une déclaration d'innocence du mis en cause, quelle que soit l'appréciation que celui-ci ait publiquement choisi d'en afficher.