Le 5 août dernier a été publiée au journal officiel la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui comporte diverses dispositions destinées à effacer les inégalités pouvant exister au sein du milieu professionnel, ou à faciliter le règlement des pensions alimentaires impayées lors de séparations.
Ce texte inclut par surcroît un article modifiant les règles de prescription en matière d’agressions sexuelles sur mineur (bien que le rapport entre les inégalités entre hommes et femmes et la prescription de ce type d’infraction ne saute pas aux yeux à première vue – ni même à seconde vue).
J’avais précédemment évoqué les difficultés liés aux délais de prescription en matière d’infractions sexuelles, suite à la proposition de loi déposée, le 20 février 2014, par Mmes Jouanno et Dini, sénatrices, qui tendait à repousser le point de départ du délai de prescription de l’infraction de viol au jour où l’infraction apparaîtrait à la victime dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique. Proposition de loi qui, à ce jour, reste en discussion au Parlement.
Le texte qui vient d’être promulgué prévoit pour sa part que s’agissant des infractions d’agressions sexuelles sur mineurs de moins de quinze ans, le délai de prescription sera dorénavant fixé à vingt ans à compter de la majorité de la victime.
On peut rappeler que matériellement, une agression sexuelle peut être constituée par tout acte de nature sexuelle excluant la pénétration (du corps de la victime), par exemple des caresses, répétées ou non, sur le sexe, les fesses ou les seins, ou encore un rapport sexuel ou une fellation imposé(e) par une femme à un homme (ou en l’occurrence, à un adolescent).
Au-delà des difficultés déjà évoquées tenant à la difficulté de rapporter la preuve de tels actes, en raison du dépérissement des éléments de preuve lié à l’écoulement du temps (la plainte pouvant être déposée jusqu’aux 38 ans de la victime pour des faits pouvant remonter à son enfance), ce texte interroge également sur l’échelle des valeurs proposée par le législateur, puisque le principe général en la matière veut (ou voudrait) que les infractions les plus graves puissent logiquement être poursuivies le plus longtemps. Ainsi, pour les crimes, le délai de prescription est-il normalement fixé à dix ans, pour les délits à trois ans et à un an pour les contraventions, ces délais commençant sauf exception à courir à compter de la commission de l’infraction.
Ce système se trouve néanmoins remis en cause par de nombreuses dérogations, augmentant les délais de prescription et/ou reportant leur point de départ, tels que le texte qui vient d’être adopté.
Le système légal actuellement applicable permet donc de poursuivre pendant plus de trente ans une agression sexuelle commise sur un mineur âgé de huit ans au moment des faits (pouvant consister en une caresse unique sur les fesses ou sur la poitrine) mais limite à dix ans le délai de prescription d’un meurtre sur mineur, à compter de sa date de commission bien qu’il s’agisse alors, est-il besoin de le préciser, de faits autrement plus graves – ainsi d’ailleurs que le rappelle le quantum des peines respectivement encourues (dix ans d’emprisonnement pour l’agression sexuelle sur mineur de moins de quinze ans, réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre d’un mineur du même âge).
Protéger au cas par cas une catégorie particulière de victimes est une intention louable ; il me semble toutefois que le législateur doit veiller à maintenir la cohérence de la loi pénale et l’échelle des interdits, sous peine de rendre son œuvre illisible.