Pars vite et reviens tard. Mais vraiment, vraiment tard.

Vendredi 5 décembre 2014, la Cour d’Assises du Val de Marne a condamné François Chamorro, un ancien convoyeur de fonds à la peine de 8 années de réclusion criminelle pour un vol à main armée commis en mai 2003.

Ce jour-là, cet employé d’une société de transports de fonds apporte une bouteille de champagne sur son lieu de travail, affirmant qu’il a une "bonne nouvelle" à annoncer à ses collègues. Après s’être absenté quelques instants, le convoyeur revient, armé d'un revolver et récupère un sac de sport qu'il remplit de pochettes en plastique contenant de l'argent destiné à la Banque de France, pour un montant de 1,2 millions d’euros.

L’ayant repéré dans une chambre d’hôtel, les policiers réussissent à récupérer 200.000 €, le malfaiteur parvenant à s’enfuir avec le reste du butin, d’abord quelque temps en France (dont deux mois de vie sauvage dans les bois) puis, grâce à l’utilisation de faux papiers, au Canada et enfin en République Dominicaine où il séjourne, plusieurs années durant, sous une fausse identité.

Dix ans plus tard, visiblement lassé de vivre en fugitif et persuadé que l’affaire était prescrite, Monsieur Chamorro décide de rentrer en France et se présente au consulat de France sous sa véritable identité.

Ignorant avoir été condamné par défaut en 2008 par la Cour d’assises du Val de Marne à une peine de 10 ans d’emprisonnement, il est arrêté dans le cadre du mandat d’arrêt international dont il faisait l’objet et transféré en France.

Monsieur Chamorro a ainsi commis une erreur lourde de conséquences (pour lui, essentiellement) dans l’interprétation des règles applicables aux délais de prescription de l’action publique ou de la peine.

La prescription est un mode général d’extinction ou de création d’un droit par le biais de l’écoulement du temps.

Ainsi la prescription de l’action publique interdit-elle toute poursuite par l'effet de l'écoulement d'un laps de temps déterminé depuis le jour de la commission de l'infraction.

S’agissant d’un vol à main armée, donc d’une qualification criminelle, le délai de prescription était de dix ans et permettait la poursuite de l’infraction jusqu’en mai 2013, sous réserve des différents actes de poursuite ou d’instruction qui interrompent le délai de prescription.

La prescription de l’action publique ne doit pas être confondue avec la prescription de la peine qui empêche  l’exécution de la peine prononcée par un tribunal ou une Cour d’Assises par l’écoulement d’un certain temps à compter de la décision.

Le délai de prescription de la peine est de vingt ans en matière criminelle, cinq ans en matière délictuelle et deux ans en matière contraventionnelle.

En l’occurrence, à l’issue de l’instruction judiciaire diligentée au sujet des faits dont il était accusé, Monsieur Chamorro a fait l’objet d’une condamnation par la Cour d’Assises du Val de Marne en 2008, nonobstant son absence. Dès lors, le délai de prescription de la peine s’est substitué au délai de prescription de l’action publique, ce qui signifie que le malfaiteur pouvait être arrêté (et, de ce fait, rejugé) jusqu’en 2028, soit vingt-cinq ans après le vol.

Ajoutons au demeurant que même en l’absence de condamnation par la juridiction appropriée, mieux vaut ne pas tabler sur un délai de dix ans strict à compter du jour de la commission des faits, la prescription de l’action publique étant régulièrement interrompue par les actes du juge d’instruction ou du Procureur.