Condamné en 2014 par le Tribunal correctionnel à une peine de deux ans d'emprisonnement intégralement assortie du sursis simple, M. Claude Guéant a vu la Cour d'appel de Paris prononcer à son encontre une peine d’emprisonnement de deux ans dont une année assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve, une amende de 75.000 € et l’interdiction d’exercer toute fonction publique pendant cinq ans pour complicité de détournement de fonds publics et recel.
Même si M. Guéant a annoncé son intention de se pourvoir en cassation, ce pourvoi pourra être rejeté pour peu que les juges du fond n'aient pas commis d'erreur de droit dans la procédure qui le concerne, et la décision alors être mise à exécution.
S’agissant de cette peine d’emprisonnement, quelques explications s’imposent.
La peine prononcée par la Cour d'appel s'élevant à deux ans dont un an assorti d'un sursis avec mise à l’épreuve, une seule de ces deux années sera exécutable de façon « ferme ».
Est-ce à dire que M. Guéant sera nécessairement incarcéré pour une année ? Certainement pas.
En effet, le code de procédure pénale précise en son article 723-15 que toute personne non incarcérée condamnée à une peine d’emprisonnement inférieure à deux ans (ou un an si elle est en état de récidive légale) bénéficie, dans la mesure du possible et si leur personnalité et leur situation le permettent, d'une semi-liberté, d'un placement à l'extérieur, d'un placement sous surveillance électronique, d'un fractionnement ou d'une suspension de peine ou d'une libération conditionnelle.
Pour bénéficier de l’un de ces aménagements de peine, M. Guéant devra rencontrer le service d'insertion et de probation ainsi que le juge de l’application des peines à qui il reviendra de choisir la mesure la plus appropriée à sa situation. .
J’imagine que l’ancien ministre préférerait sans doute une libération conditionnelle ou un placement sous surveillance électronique (qui lui éviteraient tout passage en prison) à un régime de semi-liberté (qui consiste à autoriser le condamné à se rendre au dehors de la prison pour y accomplir une activité ou formation professionnelle à condition de la réintégrer régulièrement, le plus souvent chaque soir).
La libération conditionnelle (qui peut intervenir sans incarcération et donc, sans "libération" effective malgré sa dénomination) permettrait à M. Guéant d’éviter une incarcération, à condition qu’il « manifeste des efforts sérieux de réadaptation sociale et s’il justifie soit de l'exercice d'une activité professionnelle, d'un stage ou d'un emploi temporaire ou de son assiduité à un enseignement ou à une formation professionnelle ; soit de sa participation essentielle à la vie de famille ; soit de la nécessité de suivre un traitement médical ; soit de ses efforts en vue d'indemniser leurs victimes ; soit de son implication dans tout autre projet sérieux d'insertion ou de réinsertion ». La libération conditionnelle impose au condamné le respect de certaines obligations (dont celle de ne pas commettre d’infraction) dont le non-respect peut entraîner son incarcération.
L'aménagement de peine le plus probable dans la situation de M. Guéant consistera sans doute en un placement sous surveillance électronique (PSE) . Il s'agit d'une modalité de l’exécution de la peine d’emprisonnement en dehors d’un établissement pénitentiaire dans un lieu déterminé, au moyen d’une surveillance (électronique donc, le fameux bracelet). En pratique, le juge d’application des peines fixera au condamné des horaires lui permettant de sortir (pour exercer une activité professionnelle ou suivre des soins). En dehors des horaires de sortie, le condamné devra nécessairement demeurer à l’adresse fixée, sauf à être considéré en état d’évasion.
Précisons au passage que ces mesures d'aménagement n'impliquent nullement, contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là, que M. Guéant doive passer une journée au moins en cellule vêtu d'un pyjama rayé et boulet à la cheville. Si le PSE est bien une mesure effectuée "sous écrou", cette mise à l'écrou consiste en un simple enregistrement pour mise en oeuvre du dispositif, réalisée par le greffe pénitentiaire ou le service pénitentiaire d'insertion et de probation.
Aucun élément ne permet aujourd'hui d'imaginer que M. Guéant ne bénéficie pas à terme de l'un de ces aménagements de peine. Gageons qu'une telle mesure, pour une fois, n'entraînerait pas les protestations habituelles de certains de ses collègues politiciens sur le thème du laxisme judiciaire et des peines de prison jamais ramenées à exécution.
Rappelons enfin, pour nous rassurer totalement sur son sort, que M. Guéant n’ayant pas fait l’objet d’une inéligibilité, il sera parfaitement en mesure de se représenter lors d'élections prochaines - les législatives de juin 2017, par exemple ?