A deux jours d’intervalle, deux procédures d’aide à l’entrée et au séjour des étrangers sur le sol français ont occupé le devant de la scène médiatique cette semaine.
Le 4 janvier, c’est tout d’abord le Tribunal correctionnel de Nice qui a eu à connaître du procès de M. Cédric Herrou, agriculteur, à qui il était reproché d’avoir porté assistance à des étrangers en situation irrégulière, notamment par le biais de l’installation sans autorisation, en octobre 2016, d'une cinquantaine d'Erythréens dans un centre de vacances SNCF désaffecté à Saint-Dalmas-de-Tende. Le Procureur de la République a requis à son encontre une peine de huit mois d’emprisonnement assorti d’un sursis simple. La décision du tribunal a été mise en délibéré au 10 février 2017.
Le 6 janvier, la même juridiction a rendu son délibéré dans une affaire similaire qui concernait M. Pierre-Alain Mannoni, enseignant à la faculté de Nice qui avait été interpellé à un péage alors qu’il transportait trois Erythréennes dont une mineure, qu’il ramenait à son domicile dans l’intention de les héberger (dans l'attente, semble-t-il, de pouvoir les ramener à Marseille afin qu'elles soient prises en charge dans un centre approprié). Poursuivi sur le fondement des mêmes textes de loi, M. Mannoni a vu requérir une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis avant d’être relaxé par le tribunal correctionnel.
Il était reproché à ces deux personnes l’infraction réprimée par l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers qui prévoit que « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger en France sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 Euros ».
L’article L. 622-4 du même code prévoit toutefois une possibilité d’immunité pénale permettant d’écarter tout caractère délictueux dans certaines circonstances.
Ainsi l’infraction n’est pas constituée lorsque les faits d’aide au séjour des étrangers ont été commis par le conjoint de la personne étrangère en situation irrégulière, son ascendant ou descendant ou un membre de sa famille. Il est évidemment humainement et logiquement compréhensible qu’une personne aide un membre de sa famille, l’héberge et la transporte sans pouvoir faire l’objet de poursuites pénales.
Ce même article prévoit une autre possibilité d’immunité, applicable à « toute personne physique ou morale, lorsque l'acte reproché n'a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d'hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l'étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l'intégrité physique de celui-ci ».
En application de ce texte, toute personne qui apporte une aide à un étranger peut ne pas être poursuivie à la condition que son but ait été de procurer à celui-ci une aide humanitaire. Ainsi les associations et avocats intervenant en droit des étrangers ne peuvent être poursuivis sur le fondement de cet article. De même, un soignant qui viendra en aide aux malades, un enseignant qui donnera des cours de français, et de manière générale toute personne qui se comportera de façon humaine en offrant sans contrepartie son aide de façon matérielle ou non ne sera pas poursuivie. C’est évidemment ce texte qui permet de distinguer normalement le traitement judiciaire réservé aux passeurs et autres membres de réseaux de traite des êtres humains de celui des citoyens qui estiment ne pas légitimement pouvoir laisser mourir de faim, de froid ou de maladie un autre être humain au motif qu’il serait étranger.
C’est sur le fondement de cet article que M. Mannoni a été relaxé par le Tribunal correctionnel de Nice, la juridiction ayant pris acte notamment de l’absence de toute contrepartie à l’aide qu’il avait offerte et de son intention de « préserver la dignité et l’intégrité » de ces personnes en les transportant pour faciliter leur prise en charge par une structure adaptée. C’est par le même mécanisme que M. Herrou espère (à bon droit, à mon humble avis) être relaxé, bien qu'il ait été souligné que les actes qui lui sont reprochés étaient moins ponctuels et plus déterminés que ceux de l'enseignant. Toutefois, le Procureur de la République niçois ne semble pas considérer la situation du même œil, dans la mesure où il a d’ores et déjà fait appel du jugement de relaxe concernant M. Mannoni.