Personne n’aime les lundis, mais celui-ci aura constitué une journée judiciaire chargée pour certains, entre M. Jérôme Cahuzac qui comparaît devant le tribunal correctionnel et M. Nicolas Sarkozy qui s’est vu notifier le réquisitoire définitif demandant son renvoi devant une juridiction similaire dans le cadre de l’affaire Bygmalion.
A propos de ce dernier acte, beaucoup de choses ont été dites en quelques heures seulement, tant sur le timing de ces réquisitions que sur les suites qui pourraient être données à cette affaire.
Ainsi M. Laurent Wauquiez, président du parti Les Républicains, a-t-il précisé via Twitter « Réquisitions du parquet : personne n'est dupe du calendrier qui est choisi, à quelques jours du lancement officiel de la primaire ».
Il est vrai que le calendrier peut faire tiquer à première vue. Mais le ministère public avait-il le choix en la matière ?
Plongeons-nous gaiement dans les dispositions du code de procédure pénale relatives à la fin de l’instruction, prévues par les articles 175 et suivants du code de procédure pénale.
Lorsque le juge d’instruction estime que l’information judiciaire est terminée, il adresse aux parties un avis de fin d’information. Cette notification fait courir un délai d’un mois ou de trois mois (selon que la personne mise en examen est détenue provisoirement ou non) accordé au Procureur de la République pour adresser au juge d’instruction son réquisitoire définitif, autrement dit un document de synthèse des charges contenues dans le dossier en cours au terme duquel le parquet émet un avis quant aux suites à donner à la procédure : renvoi devant une juridiction pénale ou non-lieu.
Revenons au dossier impliquant M. Sarkozy : l’avis de fin d’information a été notifié le 6 juin 2016. Dans la mesure où aucun des protagonistes de cette affaire n’est incarcéré, le parquet disposait de trois mois pour transmettre ses réquisitions, soit jusqu’au 6 septembre. Il apparaît donc que loin de manœuvrer sournoisement en vue de discréditer M. Sarkozy dans le cadre de la primaire des Républicains, le parquet n’a fait que mettre en œuvre une disposition du code de procédure pénale.
Concernant la suite de cette procédure, quelques précisions supplémentaires peuvent être apportées ici.
A l’issue du délai de trois mois, un nouveau délai d’un mois commence à l’issue duquel le juge d’instruction peut rendre son ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel (ou de non –lieu, s’il estime que les charges réunies sont insuffisantes), à moins que certaines parties n'aient formé des demandes d'investigations complémentaires qui, en cas de refus, peuvent faire l'objet d'un recours devant la chambre de l'instruction.
Contrairement à ce qui a pu être indiqué dans la presse, cette ordonnance ne peut pas être frappée d’appel par les personnes mises en examen (donc par M. Sarkozy dans l’hypothèse d’un renvoi de celui-ci devant le tribunal correctionnel), sauf dans l'hypothèse peu probable où l'un des juge d'instruction co-saisis ne signerait pas cette ordonnance.
Cela signifie donc qu’à compter du prononcé de cette ordonnance, M. Sarkozy perdra la qualité de mis en examen pour acquérir celle de prévenu, qu’il conservera jusqu’à l’éventuel procès qui pourrait raisonnablement (mais pas nécessairement) se tenir au premier semestre 2017, compte tenu du droit des prévenus à être jugés dans un délai raisonnable mais aussi des impératifs liés à l’organisation d’une telle audience.
Oui, ça tomberait mal en termes de timing électoral, mais la justice pénale n’a pas à se préoccuper de l’agenda des présidentiables. Pas plus que de celui de ses autres justiciables.