Faut-il y voir l'effet des températures élevées relevées à Marseille depuis plusieurs semaines ? Un homme a récemment été surpris par un équipage de police alors qu'il était occupé, en état d'ivresse avancé et le sexe à l’air, à se frotter à un compteur France Télécom. Il aurait également proféré des menaces de mort à l’encontre des membres des forces de l’ordre.
L’indélicat n'a cependant pas fait l'objet de poursuites pénales, son statut de consul général du Sénégal dans la cité phocéenne ayant apparemment été pris en compte à cet égard par le Parquet.
Si l'on peut spontanément imaginer qu'un consul bénéficie d’une immunité diplomatique interdisant toute poursuite pénale à son encontre, la situation est bien plus nuancée qu’elle n’y paraît a priori.
L’immunité diplomatique est à l'origine prévue par la convention de Vienne du 18 avril 1961 qui concerne les ambassadeurs et agents diplomatiques, texte qui, après avoir rappelé que “depuis une époque reculée, les peuples de tous les pays reconnaissent le statut des agents diplomatiques”, énonce que “le but des privilèges et immunités [diplomatiques] est non pas d'avantager des individus mais d'assurer l'accomplissement efficace des fonctions des missions diplomatiques en tant que représentants des États”.
Selon cette convention internationale, la personne de l’agent diplomatique inscrit sur la liste du personnel de l’ambassade est inviolable, et ne peut être soumise à aucune forme d'arrestation ou de détention. L’Etat français doit ainsi “le traite[r] avec le respect qui lui est dû et prend[re] toutes mesures appropriées pour empêcher toute atteinte à sa personne, sa liberté et sa dignité”. Il ne peut de même être jugé en France, sauf dans le cadre de certains litiges civils, professionnels ou commerciaux, et à moins que l’Etat dont est originaire l’agent diplomatique ne renonce expressément à cette immunité.
Les consuls, qui sont des agents officiels qu'un État établit dans les villes d'un autre État pour assister et protéger ses ressortissants, ne relèvent pas de l’immunité diplomatique décrite ci-dessus, puisqu’ils ne sont pas considérés comme des agents diplomatiques. Ils sont concernés par une autre convention, également viennoise mais en date du 24 avril 1963, qui se rapproche du texte relatif aux agents diplomatiques et prévoit également une immunité à leur bénéfice, laquelle diffère légèrement de celle que nous avons évoquée.
Les textes applicables prévoient ainsi que “les fonctionnaires consulaires ne peuvent être mis en état d'arrestation ou de détention préventive qu'en cas de crime grave et à la suite d'une décision de l'autorité judiciaire compétente”. La jurisprudence a apporté sur ce point une précision importante, puisque cette immunité ne concerne que les infractions commises dans l’exercice des fonctions de consul, et non celles qui sont éventuellement accomplies en dehors de ces fonctions. Dans ces conditions, un fonctionnaire consulaire peut parfaitement être poursuivi en France et paraît tenu de se présenter devant les autorités compétentes, la procédure devant cependant être conduite avec les égards qui sont dus au fonctionnaire consulaire en raison de sa position officielle, ainsi que le prévoit la convention applicable.
On peut considérer, dans le cas qui nous occupe, que les faits d’exhibition sexuelle imputés au consul du Sénégal n’entraient pas dans l’exercice de ses fonctions, de même que les menaces de morts qu’il a pu proférer à l’encontre des policiers, selon ces derniers. Il aurait en conséquence pu faire l’objet d'une enquête pénale et de poursuites devant une juridiction française pour ces infractions, si elles avaient paru suffisamment caractérisées à son égard.
On peut raisonnablement estimer qu’il a été décidé par le Procureur de la République (qui en a nécessairement et préalablement avisé le Procureur général), pour des raisons d’opportunité (diplomatique ?), de ne pas donner de suite pénale aux faits qu'aurait commis ce fonctionnaire étranger. Les autorités sénégalaises, en revanche, ont pour leur part décidé de sanctionner le comportement de leur ressortissant en lui imposant de cesser immédiatement ses fonctions sur le territoire français.