Car tel est notre bon plaisir...

Je l’avoue : lorsque je suis en panne d’inspiration pour ce blog, je jette un œil aux dernières déclarations ou propositions de M. Eric Ciotti, qui a fréquemment l’obligeance de me fournir matière à discuter. J’ai donc découvert hier que le député des Alpes maritimes avait dernièrement eu une nouvelle idée pour permettre au pays de mieux lutter contre le terrorisme. Sur son blog, M. Ciotti a en effet publié un billet intitulé « Eric Ciotti supprime le RSA à un individu faisant l’apologie du terrorisme ».

Eric Ciotti, député des Alpes-Maritimes (LR) © AFP

Aux termes de ce billet, cette décision concernerait une femme de 28 ans, condamnée par le Tribunal correctionnel de Nice le 17 juin dernier pour des faits d’apologie publique d’acte de terrorisme et recel de documents en faisant l’apologie.

Saisi par la gravité de ces faits, M. Ciotti, en sa qualité de président du conseil départemental des Alpes maritimes, aurait en conséquence « décidé de mettre fin immédiatement au versement de cette allocation ».

Si l’objectif de cette décision peut paraître moralement louable (éviter que la solidarité nationale ne finance le terrorisme, selon le propos de l’élu, bien qu’on puisse objecter qu’en l’espèce, le lien financier entre l’apologue et le terroriste potentiel ne soit pas évident à établir), il n’en demeure pas moins que, comme toute décision prise par une autorité administrative, elle se doit de respecter le cadre législatif posé en la matière.

En l’occurrence, cela supposerait que la loi ou le règlement prévoie la suppression du RSA aux individus condamnés pour la commission de certaines infractions.

Or ce n’est nullement le cas.

Le revenu de solidarité active est prévu par le code de l’action sociale et des familles (corpus limpide et passionnant s’il en est), et plus particulièrement ses articles L. 262-1 et suivants.

En application de ces textes, le RSA est attribué à toute personne résidant en France de manière stable et effective et dont le foyer dispose de ressources inférieures à un revenu garanti, le bénéficiaire devant respecter les conditions suivantes :

 

  • être Français ou titulaire, depuis au moins cinq ans, d'un titre de séjour autorisant à travailler ;
  • être âgé de plus de vingt-cinq ans ou assumer la charge d'un ou plusieurs enfants nés ou à naître.

 

Aucune condition liée à l’absence de condamnation par une juridiction pénale n’est prévue par la loi.

L’éventail des sanctions mises à la disposition du président du Conseil départemental n’a vocation à s’appliquer que dans les cas de fraudes aux prestations (fausse déclaration en particulier).

Hormis ces cas particuliers, la loi n’accorde nullement au président du Conseil Départemental le pouvoir de supprimer le RSA, même dans l’hypothèse de commission d’une infraction.

On aboutit ainsi à un raisonnement étrange selon lequel, pour punir une personne qui n’a pas respecté la loi et a d’ores et déjà été sanctionnée de ce chef, on s’affranchit joyeusement des dispositions légales et réglementaires que l’on est supposé, en tant qu’élu, concourir à faire respecter et respecter soi-même.

Les Alpes maritimes seraient-elles devenues notre Far West ?