Une enquête policière a révélé voilà quelques jours que le directeur d’une auto-école, avec la complicité d'agents de la préfecture des Hauts de seine, procurait des permis de conduire délivrés par l’administration à des clients qui ne l’avaient pas, ou qui avaient perdu le droit de conduire. Selon les informations parues dans la presse, certaines personnalités auraient obtenu ce document sans passer l’examen correspondant, au nombre desquels figureraient les footballeurs Samir Nasri et Jérémy Menez ou encore l’animateur Ali Baddou.
Ce dernier a indiqué, par un tweet publié vendredi 13 mai : « J’ai fait une énorme bêtise, et je la regrette. J’ai rendu le permis il y a plusieurs mois. »
Simple bêtise ? Peut-être un peu plus, car il me semble, sous réserve des suites que comporteront les investigations, que certaines infractions relativement lourdes pourraient être reprochés aux différents intervenants, en particulier aux personnes qui auraient utilisé ces permis de conduire indûment obtenus. Accessoirement, le terme de bêtise appliqué à un ou plusieurs délits m'agace déjà dans la bouche des prévenus qui comparaissent devant moi au tribunal pour enfants et sont systématiquement repris à ce propos, mais c'est probablement mon côté réac qui parle. Bref.
Pour en revenir à nos conducteurs non adoubés, les infractions applicables aux faux prévues par les articles 441-1 et suivants du code pénal me semblent pouvoir être retenues à l'égard des utilisateurs de ces fameux permis.
En effet, les permis de conduire délivrés par l'administration à l'initiative de ce directeur d'auto-école, pour matériellement authentiques qu’ils soient puisque délivrés directement par l’administration, sont intellectuellement faux dans la mesure où ils font état d’un droit de conduire dont les individus concernés ne disposaient pas, n'ayant pas passé et encore moins réussi les épreuves correspondantes.
Dans ces conditions, les personnes ayant acheté leur "permis" de conduire peuvent se voir reprocher d'une part la détention frauduleuse de faux documents administratifs, telle que prévue par l’article 441-3 du code pénal, d'autre part la délivrance indue d’un document administratif prévue par l’article 441-6 du même code, infractions toutes deux réprimées par une peine de 2 années d’emprisonnement et 30.000 € d’amende.
Il est bien entendu indispensable que l’individu ait eu connaissance du caractère frauduleux de l'obtention dudit document, ce qui en l'occurrence ne doit pas être trop difficile à établir, s'agissant de personnes n’ayant jamais passé les épreuves du permis de conduire.
Par ailleurs, si M. Baddou (ou l'un quelconque des dizaines d'autres acheteurs de permis) avait conduit un véhicule nécessitant le permis B, été contrôlé en possession de ce document par la police ou la gendarmerie, comme cela arrive à des dizaines de personnes chaque jour, et justifié de sa capacité de conduire auprès des policiers grâce au faux permis en sa possession, il aurait alors commis un usage de faux document administratif, sanctionné d’une peine maximale de cinq années d’emprisonnement par l’article 441-2 du code pénal.
On est donc bien loin d’une simple erreur comme a pu le souligner l’animateur. Et la restitution depuis plusieurs mois du titre falsifié est sans incidence sur la constitution des infractions en cause.
Autrement dit, si un jour vous êtes tenté, attendez d'avoir légalement votre permis plutôt que de profiter de ce genre de "bonne affaire" : un permis de conduire en bonne et due forme coûte certes cher, mais finalement pas autant.